Il y a 59 ans, mort d'Albert Camus dans un accident de voiture
C'était le 4 janvier 1960, à 14h15. Le prix Nobel de Littérature Albert Camus se trouvait sur le siège avant-droit de la Facel Vega de son éditeur Michel Gallimard, quand le véhicule a fait une brusque embardée sur la RN 5, à hauteur de la commune de Villeblevin, dans l'Yonne, avant de s'encastrer dans un platane.
L'écrivain est tué sur le coup. Il avait 47 ans.
Après le terrible accident, dans le cartable d'Albert Camus, on a retrouvé le manuscrit inachevé du "Premier homme" ainsi qu'un billet de train pour Paris.
L'auteur de "L'Etranger" devait rentrer de sa propriété de Lourmarin dans le Vaucluse à Paris en train, mais Michel Gallimard lui avait alors proposer de faire le trajet dans son nouveau bolide...
Michel Gallimard décédera par la suite des suites de ses blessures.
Dans notre appartement, en Algérie, nous écoutions la radio quand la nouvelle de la mort d'Albert Camus est tombée. Je me souviens encore du terrible silence dans le salon. C'est la première fois de ma vie que je voyais pleurer mon père...
Camus et l'Algérie
Mort deux ans avant l'indépendance de l'Algérie, Albert Camus n'avait jamais accepté cette évolution de son pays natal
"En ce qui concerne l'Algérie, l'indépendance nationale est une formule purement passionnelle. Il n'y a jamais eu encore de nation algérienne" (Chroniques Algériennes, janvier 1958).
"Camus se refuse à admettre que l'Algérie soit indépendante"
Roblès a évoqué devant moi tous ces attentats ; il les trouve odieux, inadmissibles et estime que leurs auteurs n’ont droit à aucune pitié [4]. Il revient de Paris où il a vu longuement Camus. Camus se refuse à admettre que l’Algérie soit indépendante et qu’il soit obligé d’y rentrer chaque fois avec un passeport d’étranger, lui qui est Algérien et rien d’autre. Il croit que le FLN est fasciste [5] et que l’avenir de son pays entre les mains du FLN est proprement impensable. Je comprends fort bien l’un et l’autre mais je voudrais qu’ils me comprennent aussi. Qu’ils nous comprennent, nous qui sommes si près d’eux et à la fois si différents, qu’ils se mettent à notre place. Ceux qui m’ont parlé en langage clair la semaine dernière m’ont dit que je n’étais pas Français. Ceux qui sont chargés de veiller à la souveraineté de la France, dans ce pays, m’ont toujours traité en ennemi, depuis le début des événements. Tout en me traitant en ennemi, ils voudraient que j’agisse en bon patriote français, même pas : ils voudraient que je les serve tel que je suis. Simplement par reconnaissance, vu que la France a fait de moi un instituteur, un directeur de cours complémentaire, un écrivain, vu qu’elle me verse une grosse mensualité qui me permet d’élever une famille nombreuse. Simplement on me demande de payer une dette comme si tout ce que je fais ne méritait pas salaire, comme si cette école avait été construite pour mon plaisir et remplie d’élèves pour me distraire, comme si mon « instruction » était un cadeau généreux qui ne m’a coûté que la peine de tendre la main pour le cueillir, comme si ce talent d’écrivain dont je suis un peu infatué était un autre cadeau, involontaire cette fois, mais non moins généreux, destiné de toute évidence à défendre la cause de la France au détriment des miens qui ont peut-être tort mais qui meurent et souffrent dans le mépris ou l’indifférence des nations policées. Simplement on me demande de mourir en traître moyennant quoi j’aurai payé ma dette.
« J’ai dit tout cela à Roblès qui n’a rien trouvé à répondre, qui était aussi malheureux que moi et qui admet, lui, ce que les autres refusent. J’aimerais dire à Camus qu’il est aussi Algérien que moi et tous les Algériens sont fiers de lui, mais aussi qu’il fut un temps, pas très lointain, où l’Algérien musulman, pour aller en France, avait besoin d’un passeport. C’est vrai que l’Algérien musulman, lui, ne s’est jamais considéré comme Français. Il n’avait pas d’illusions.
VIDEO . Albert Camus : discours de réception du prix Nobel, 1957