Privatisation des Thermes : entretien avec Louis Ferré, maire de Luchon
Le 6 juin dernier, les élus luchonnais se sont prononcés pour la privatisation des Thermes de Luchon, via une délégation de service public (DSP), à l'exception des élus de l'opposition qui ont voté contre.
Pour rappel, le maire de Luchon, Louis Ferré, a tenu une réunion publique au pavillon Normand, le lendemain du vote des élus pour la concession de l'établissement thermal à un opérateur privé.
En cliquant ici on peut découvrir la vidéo de l'intervention du premier magistrat.
Après mon entretien avec Jean-Paul Ladrix, leader de l'opposition au conseil municipal, (lire ici) et avec Eric Azémar, président de l'Association Luchon Vallées Avenir (ALVA) (lire ici) c’est Louis Ferré, maire de Luchon, qui répond à mes questions sur cette future concession des Thermes à un opérateur privé.
Pourquoi avoir choisi une DSP plutôt que la vente pure et simple des Thermes à un opérateur privé ?
Avant toute chose je souhaite préciser que nous sommes accompagnés par un assistant à maitrise d’ouvrage très compétent, composé notamment d’avocats spécialisés en contrats publics. Fort de leurs conseils, nous avons eu plusieurs choix de modèles de contrat. Il n’y a pas que la cession (vente pure et simple des thermes) et la concession. Nous avons tenu à évaluer tous les modèles possibles.
Nous avons exclu :
- La régie municipale : c’est le statu quo avec la situation actuelle, ce modèle empêche aujourd’hui le développement d’un outil performant, tant d’un point de vue administratif (les règles publiques s’appliquent) que d’un point de vue de capacité de financement.
- Le marché de partenariat : ce modèle impose à la Commune le versement d’un loyer pendant toute la période du contrat et doit assumer un partage des risques. Cela fait peser sur les finances de la Commune un investissement et des coûts trop élevés.
- La société publique locale ou société mixte : ce modèle exigeait de faire un tour de table pour trouver des investisseurs publics ou privés. Sur le marché thermal ce n’est pas un modèle sur lequel répondent les opérateurs. Et par ailleurs, le risque dans ce modèle pèse toujours sur la collectivité publique.
Ensuite il reste deux modèles : la cession et la concession.
Nous avons fait un bilan des avantages et des inconvénients pour chacun de ces modèles. Il en est ressorti que pour la cession si la commune pouvait prétendre à une forte somme d’argent payée lors de la vente, les conséquences étaient trop négatives pour la commune puisqu’elle aurait perdu, d’une part, la propriété du foncier, des ouvrages existants ainsi que des biens et de la ressource. D’autre part, la commune ne disposerait plus de pouvoir de contrôle sur l’outil thermal. Ce qui est pour nous inenvisageable.
En ce qui concerne la concession, elle présente plusieurs avantages : la commune reste propriétaire du foncier, des biens et de la ressource. Elle disposera d’un réel pouvoir de contrôle. Le financement et les risques et périls sont à la charge du concessionnaire et il est possible de percevoir une redevance d’occupation du domaine public.
En revanche, en fonction du montant global des travaux que l’opérateur va engager, il sera en droit de demander à la commune de verser une subvention. Puisque ces travaux vont venir améliorer directement l’établissement thermal propriété de la ville.
Quelles sont les prochaines étapes pour cette future concession de l'établissement thermal ?
Le 6 juin dernier le Conseil municipal a voté le choix de recourir à la délégation de service public (concession). Nous allons publier très prochainement l’avis d’appel public à la concurrence avec le cahier des charges. La publicité va durer jusqu’à fin septembre. Du mois d’octobre à fin novembre : ce sera la période de l’examen des offres et des négociations.
Alors j’entends dire que la ville serait en position de faiblesse car la période de négociation serait trop courte, or nous avons fixé un calendrier des négociations et il sera respecté. Si nous devons négocier jusqu’à 3h du matin nous négocierons jusqu’à 3h du matin.
Mais dans tous les cas, je veux assurer les administrés que les intérêts de la ville seront défendus.
Une fois cette période de négociation finie, il y aura une présentation du rapport d’analyse des offres au Conseil Municipal pour désigner le titulaire de la délégation de service public. Ce qui nous amènera à une signature en Janvier 2020.
Votre opposant Jean-Paul Ladrix explique lors de son interview sur mon blog que cette "privatisation" de l'établissement thermal n'était pas dans votre programme de candidat à votre réélection en 2014. Il y voit d'une certaine façon une "manœuvre" politique en vue des municipales de l'an prochain. Que lui répondez-vous ?
Moi j’y vois un projet de développement économique et touristique du territoire. J’y vois un projet structurant qui va inscrire tout le sud de la Haute-Garonne dans une stratégie de développement à long termes. C’est ce qui me préoccupe. Le reste, c’est-à-dire la politique politicienne, je laisse cela à M. Ladrix et à ses amis. Les citoyens de Luchon sauront faire la différence entre une manœuvre politique et une décision politique importante pour le territoire. Ils sont d’ailleurs rassemblés autour de ce projet qui les intéresse, en témoignent les fortes mobilisations aux dernières réunions publiques sur le sujet.
Enfin, je veux aussi rappeler que ce projet n’est pas tombé avec la dernière pluie. C’est un projet qui a nécessité un travail bien en amont pour assainir la situation juridique aux thermes et notamment les flux financiers entre la ville et les thermes ainsi que la question du personnel.
Je cite toujours cet exemple, mais qui est parlant : quand nous sommes arrivés aux responsabilités, certaines personnes travaillaient aux thermes sans contrat de travail. Il a aussi fallu remettre à niveau l’outil : nous avons effectué depuis 2008 des investissements moyens de l’ordre de 500.000€ par an. Notre établissement thermal il a fallu le remettre en état pour qu’il soit viable sur le plan économique et qu’il puisse intéresser les opérateurs.
La situation de l’établissement en 2008 aurait fait fuir n’importe quel opérateur.
Aujourd’hui, nous avons un outil attractif et qui profite d’une véritable image de marque, celle de la destination Luchon. Je veux aussi rappeler que jusqu’en 2009 la fréquentation du marché thermal au niveau national était en baisse. Si cette même année, la fréquentation est repartie à la hausse, c’est seulement à compter de 2015 que les investissements des opérateurs ont doublé montrant leur intérêt nouveau pour le marché thermal.
Enfin, j’ai pas du tout l’impression d’être dans la précipitation mais bien au contraire, nous nous sommes engagé dans une démarche prudentielle. Puisque avant de lancer un appel d’offre nous avons lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI). Cet AMI a permis de démontrer l’intérêt et de connaître la vision des opérateurs du Marché pour les Thermes de Luchon. L’autre apport essentiel de l’AMI est que nous pouvons monter un appel d’offre qui prend en compte les enjeux du marché thermal et nous éviter de lancer un appel d’offre qui ne trouverait pas de candidat. Donc un travail en amont avec les opérateurs est effectué. Et je souhaite rappeler que le recours à l’AMI est un choix, il n’est en aucune manière obligatoire. Si j’étais dans la précipitation j’aurai pu gagner 1 an en ne recourant pas à l’AMI, mais l’intérêt de la ville et des thermes nous oblige à avancer avec prudence et aussi beaucoup de sérieux.