Festival Edmond Rostand. "Le théâtre doit se vivre en vrai", rencontre avec Christian de Miégeville, président de "Luchon d'Antan"
"La maison des amants". Création mondiale avec les comédiennes de la Compagnie luchonnaise Les Div's et Christian de Miégeville (Photo DR)..
C'est le succès de l'an dernier qui est à l'origine de cette nouvelle édition du Festival Edmond Rostand ? Ce festival est-il appelé à s'inscrire dans la durée ?
L'année dernière la municipalité a eu conscience qu'en cette année de commémorations Edmond Rostand, Luchon ne devait pas rester à côté d'un tel événement.
On le sait, Edmond, âgé de quatre ans, séjourna dès 1870 avec sa famille de nombreux étés à Luchon, et ceci jusqu'en 1906. Cette année-là, il participa pour la première fois avec sa femme Rosemonde au défilé de la Bataille des Fleurs. Cyrano de Bergerac est depuis sa création la pièce la plus jouée au monde et ses autres productions, comme la Princesse Lointaine créée par Sarah Bernhardt ou l’Aiglon, éclipsent le reste de son théâtre.
Il nous a semblé important de proposer à la ville de Bagnères-de-Luchon de prolonger ce festival pour au moins trois raisons :
- Edmond Rostand aimait profondément Luchon et l’a magnifié en y écrivant ses plus belles poésies dans la villa Julia.
- Il a créé et joué à Luchon ses premières pièces avec sa future femme Rosemonde Gérard et bien d’autres grands comédiens de l’époque.
- Donner en création mondiale le premier acte d'une pièce inédite retrouvée en 1996 et éditée pour la première fois l'année dernière.
Il était donc naturel qu'un tel festival voit le jour. Fort du succès de l'année dernière, la municipalité a demandé à notre association Luchon d'Antan - qui avait proposé l'an passé un récital poétique autour des Rostand - de prendre en charge cette année, la programmation du festival. Monsieur le maire, Louis Ferré, voudrait que le festival se pérennise dans la cité et devienne un moment incontournable de la saison.
Trois jours de manifestations avec une création mondiale ? Peux-tu m'en parler plus longuement ?
Nous avons voulu faire découvrir ou redécouvrir au plus grand nombre l'écriture d'Edmond Rostand.
D'autant plus que, comme me l'a récemment confié une Luchonnaise : " Tu sais, Rostand, on n’en peut plus ! On nous en parle depuis qu'on est enfant. On l'étudie, certainement mal d’accord, à l'école puis au lycée (qui s'appelle Edmond Rostand)… en tous cas, ça nous barbe ! ".
Ce que je voudrais, c'est que petit à petit, les Luchonnais redécouvrent cet immense auteur à travers les spectacles vivants que nous proposons.
Le théâtre doit "se vivre" en vrai.
Les spectateurs, au théâtre, ont le bonheur unique de voir des comédiens faits de chair et d'os offrir le meilleur d'eux- mêmes mais surtout de partager un moment unique où des êtres portent un texte, vivent et vibrent la vraie vie, celle du théâtre.
Rostand reste définitivement l'auteur de Cyrano.
On oublie ses recueils de poésie - Les Musardises, Ode à la Musique, le Vol de la Marseillaise - et ses autres pièces, sept, publiées de son vivant. Pourtant quel poète ! En plein règne du naturalisme, il prend une autre voie. Il oppose l'optique du théâtre, donc du rêve artistique, aux réalités d'une existence plus prosaïque.
Oui, je n'habite pas cette maison, j'y rêve déclare Taldo, un personnage de "La Maison des Amants".
Dans Les Romanesques, créées à Paris en 1894 et jouées la même année au théâtre de Luchon, le pivot de l'action est un mur. Il sépare les parcs de deux ennemis. Leur fille et leur fils sont tombés amoureux. Le mur sera démoli – c'est encore le début de la pièce – puis tout va dérailler.
Dans "La Maison des Amants", écrit pratiquement en même temps, on retrouve la maison, le parc, le chant des oiseaux, le fouillis du jardin. Nous sommes assurément villa Julia, à Luchon.
Les personnages sont à la manière des amoureux de Peynet et comme Straforel des Romanesques. Ici, le rôle du père, Pyramante, figure l'acteur qui peut revêtir tous les costumes sans croire réellement à aucun et qui s'amuse de son jeu à des scènes magnifiques. Incarnation du Capitaine Fracasse, il annonce déjà certains aspects de Cyrano.
Ce qui étonne dans "La Maison", c'est une sorte de surabondance verbale, une perpétuelle recherche de fantaisie dans cette écriture qui accumule les jeux de mots, les assonances surprenantes, les rimes inattendues. Le style vient ainsi souligner davantage encore la préciosité délibérée des deux héros : Joconde et Hermeril. Cette Maison que l'on peut absolument jouer plus d'un siècle après est d'une modernité saisissante.
J'ai voulu une mise en scène épurée qui met en avant le talent des comédiennes de la Compagnie luchonnaise "Les Div's".
Les trois rôles les plus importants sont joués avec émotion et virtuosité par ces comédiennes - Céline Amaz, Catherine Sanz et Nadia Zanoune - qui me bluffent à chaque répétition. Il faut vraiment venir les voir, les soutenir, elles qui défendent et prennent à bras le corps ce texte magnifique.
En première partie, nous avons l’honneur de recevoir Thomas Sertillanges, président du Festival National Edmond Rostand qui décrira dans une allocution illustrée "Rostand à Luchon" et présentera la création qui suivra.
Cette création mondiale ne doit pas éclipser les deux autres rendez-vous...
Bien sûr. Les deux autres spectacles programmés sont d'une part forts enlevés et aussi très émouvants.
"La Princesse lointaine" de Rostand se passe en l'an de grâce 1148, pendant la deuxième croisade.
Alors que l'Orient et l'Occident s'affrontent en Terre Sainte, Joffroy Rudel, prince troubadour français, s'embarque pour un long voyage. Sûrement son dernier ! Se sachant malade, il désire avant de mourir, voir la princesse Mélisande de Tripoli, qu'il aime sans l'avoir jamais vue. Hélas... Arrivé à bon port... le poète est trop faible et envoie son fidèle ami Bertrand quérir Mélisande, pour qu'elle daigne venir à bord de la nef. Mais, Mélisande s'éprend de Bertrand, et réciproquement !
Cette œuvre d’Edmond Rostand, nous invite à nous mettre en route vers l'inconnu à la suite de Joffroy Rudel. La pièce présente un Moyen-Age merveilleux et dépaysant, mais aussi proche de nous. Le spectateur peut s'identifier facilement aux personnages, car ils parlent de questions et de thèmes universels : la quête d'idéal, la recherche de l'amour, la fidélité en amitié, bref, ce qui rythme encore nos quotidiens du 21e siècle.
"La Compagnie d'Azur" qui vient de Rennes propose une interprétation tout en panache et en couleur, mêlant légèreté et profondeur, improvisation et tirades en vers. Ils utilisent la technique du masque, les chants polyphoniques, les percussions orientales et l’escrime artistique.
Ce spectacle, très divertissant, nous l'avons voulu GRATUIT.
D'abord pour faire connaitre une pièce méconnue de Rostand au plus grand nombre, petits et grands, mais aussi faire découvrir à tous que la poésie n'est pas synonyme d'ennui.
Car comme l'écrit Rostand : "Il faut réhabiliter la passion et même l'émotion qui n'est pas ridicule. Les poètes, sans le faire exprès, donnent des leçons d’âme."
Pour conclure ce festival, nous aurons le plaisir d'accueillir la formidable Véronique Daniel et son spectacle : "Roxane de Bergerac".
Véronique Daniel est une comédienne exceptionnelle. À l'adolescence, elle suit les cours d'art dramatique chez René Simon. À 16 ans, elle joue Louison dans Le Malade Imaginaire. D'un naturel curieux et passionné, elle s'intéresse à toutes les formes de théâtre et joue dans toute sortes de structures : Molière, Shakespeare, Tchekhov, Jules Renard, Jean-Michel Ribes, Éric Assous, Beckett, Marivaux ou Ionesco…
Parallèlement, elle travaille la voix, la commedia dell'arte et le clown avec Jacques Lecoq. Elle fonde le Théâtre du Tropic pour lequel elle écrit et interprète des spectacles qu'elle va jouer dans le monde entier. Puis elle consacre sa vie à la télévision et interprète plus de 400 sketchs pour le Théâtre de Bouvard. Elle tourne également pour le cinéma et travaille pour France Culture. Soucieuse de transmettre, elle crée en 1994 sa propre école de théâtre.
Véronique Daniel a eu l'audace d'imaginer une suite à Cyrano de Bergerac. Elle a voulu tout simplement se promener allègrement dans cette œuvre maîtresse de la littérature, redire les mots, réentendre le souffle du verbe poétique, prolonger l'extase de l'émotion, dénouer les méandres de la passion.
À la date anniversaire de la mort tragique de Cyrano, Roxane, retirée dans un couvent, refait le parcours de cette étrange histoire d'amour triangulaire. Elle se souvient, revit les scènes charnières avec délectation, émotion ou jubilation : la tirade des nez, la scène du balcon, la mort de Christian... Elle tente de comprendre, d'analyser afin d'exorciser la douleur. Une sorte de voyage à la fois sensible et spirituel d'où elle sortira grandie.
Comment se porte "Luchon d'Antan" en cette rentrée culturelle ?
L'association commence à prendre ses marques, si j'ose m'exprimer ainsi. Elle s’est bien installée au milieu des autres associations luchonnaises. Notre vitesse de croisière semble maintenant atteinte.
Nous essayons de donner des rendez-vous annuels comme par exemple une exposition par an. Cette année elle aura lieu à l'automne avec le photographe luchonnais Roger Daspet.
Mais aussi "La Conférence" toujours fin avril qui verrait, nous l'espérons, sa quatrième édition. Nous nous associerions pour cette édition certainement avec la Croix-Rouge luchonnaise qui fêtera en 2020 ses 150 d'existence locale.
Au printemps 2020, nous souhaiterions accueillir à Luchon la formidable exposition "Il était une fois Cyrano (s) de Bergerac" qui ferait le lien avec le prochain Festival Rostand.
Voyez comme je mets des conditionnels, car en mars prochain... J'ai appris une chose avec mon métier et la politique : rien n'est jamais acquis.
Demandez le programme !
Mercredi 25 septembre :
La Maison des Amants d’Edmond Rostand avec en première partie Thomas Sertillanges.
Salle Henri Pac à 20h30
Jeudi 26 septembre :
La Princesse Lointaine d’Edmond Rostand
Parc des Quinconces, à 20h30. (En cas de mauvais temps salle Henri Pac).
Vendredi 27 septembre :
Roxane de Bergerac de et par Véronique Daniel
Théâtre du Casino à 20h30
Prix des places : 15€ ou 25€ le Pass Festival