Joséphine Rios-Cohen, cette luchonnaise reconnue "Juste parmi les Nations"
Le 16 septembre dernier, dans la salle des Illustres au Capitole de Toulouse, Joséphine Rios-Cohen s’est vu accorder à titre posthume la médaille des "Justes parmi les Nations", plus de 25 ans après son décès.
Un honneur décerné par l’Institut Yad Vashem de Jérusalem aux personnes non juives qui ont sauvé des juifs sous l’occupation nazie, au péril de leur vie.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Joséphine Rios-Cohen tenait un Salon de Beauté à Luchon puis après-guerre un hôtel, toujours dans la cité thermale.
Cette luchonnaise a permis, au péril de sa vie, à une famille de cinq personnes, dont trois fillettes, de ne pas connaître le sort des six millions de victimes de la Shoah.
Qui était cette "femme-courage" ?
Voici l’histoire de cette luchonnaise que l’on peut découvrir sur les sites du "CRIF" et d'"Israël Valley"
"Ma mère était une femme extraordinaire", salue Nicole (88 ans). "Elle s’étonnerait qu’on puisse la célébrer comme on le fait aujourd’hui, assure son petit-fils Philippe (64 ans). Vous savez, ces gens-là avaient l’impression d’avoir fait quelque chose de complètement normal."
D’où la discrétion de Joséphine Rios Cohen sur le sujet jusqu’à sa mort à près de 95 ans, le 14 janvier 1994.
Pourtant, il n’est pas vraiment "normal" de trouver le courage d’agir comme l’a fait Josie Kirsch, telle qu’elle se faisait appeler pendant le conflit, en gardant le nom de son premier époux. Alors en couple avec l’avocat Simon Cohen, de confession juive – ils se marieront après le conflit – cette quadragénaire d’origine espagnole et de confession chrétienne se lie d’amitié avec la famille Grossman.
Au début de la guerre, Simon et Anna Grossman, ainsi que leurs trois filles, ont quitté Paris pour la zone libre et s’installent à Luchon, après un bref passage par Montauban, à l’été 1940.
Cachés derrière des caisses en bois
Lorsque la situation s’aggravera encore pour les Juifs de France, à la fin de l’été 1942, Joséphine, en relation avec à des réseaux de résistants comme son futur mari, cachera les Grossman derrière des caisses en bois, dans son salon de beauté. Mais le danger se précise, et la famille doit se séparer.
"Josie" conduit alors en voiture Jacqueline (11 ans), Eveline (5 ans) et Paulette (4 ans) dans une ferme près de Toulouse. Elle explique aux fermiers qu’il s’agit de ses enfants, dont elle ne peut s’occuper en raison de son travail. Jusqu’aux vacances de Noël, les petites iront à l’école mais aussi à la messe : jamais leurs hôtes ne connaîtront la religion des trois sœurs.
Au péril de sa vie, la Luchonnaise reviendra chercher les enfants trois mois plus tard, puis réussira à les exfiltrer en Espagne juste avant Noël, avec l’aide d’un berger-passeur. Elles y retrouveront leurs parents, qui avaient franchi la frontière en novembre après être restés cachés chez les Rios-Cohen.
En 1943, les fillettes s’envoleront pour les Etats-Unis, rejointes quatre ans plus tard par Simon et Anna Grossman. Lesquels auront pu auparavant récupérer leurs biens, enterrés dans le jardin de leurs sauveurs luchonnais.
Un livre-témoignage déterminant
"Joséphine était une femme énergique, d’un grand courage et d’un grand altruisme", saluera Jacqueline Grossmann-Massing dans son ouvrage Chased by Demons: How I Survived Hitler's Madness in My Native France, publié en 2009 et non traduit en français à ce jour. Affaiblie, la rescapée âgée aujourd’hui de 88 ans n’a pas pu faire le voyage depuis la Californie jusqu’à Toulouse ce lundi, pour honorer celle qu’elle considère comme sa "seconde maman".
Mais son livre a constitué un témoignage essentiel pour permettre à Joséphine Rios-Cohen d’accéder, après de longues démarches, à la distinction de "Juste parmi les Nations", comme 4.098 autres Françaises et Français.
"Ma grand-mère était désarmante de détermination, pleine de vie, assure Philippe, qui tient à associer Simon Cohen, décédé en 1963, à son souvenir. Cela me fait plaisir de montrer à mes enfants ce qu’elle a fait. C’est un héritage moral."
Et un hommage posthume à une héroïne de la vie ordinaire, qui n’hésitait pas à afficher le portrait du général de Gaulle dans son commerce en pleine Occupation.
"Un officier allemand lui avait fait une remarque, rapporte dans un sourire son petit-fils. Elle lui a répondu : "C’est lui qui nous sauvera"."
"Josie", elle, a sauvé cinq vies de la barbarie nazie.
On espère que la municipalité actuelle… ou la future baptisera une rue de la cité thermale du nom de cette "femme-courage".