Municipales 2020. Economie, transport, culture : entretien avec John Palacin de la liste "Unis pour Luchon" (1)
Le premier tour des élections municipales a lieu dans cinq semaines. Quatre listes seront présentes à Luchon : "Passionnément Luchon" menée par le maire sortant Louis Ferré, "Réussir Luchon Ensemble" avec Eric Azémar, "Unis pour Luchon" de Gérard Subercaze et "Jean-François Subercaze pour "La Liste de Gauche, écologique et progressiste".
On connaît actuellement les colistiers de trois des quatre listes. Mais pas encore leurs programmes.
Je vais donc poser des questions, au fil des prochains jours, à chacune des listes, sur différents thèmes que je juge importants pour éclairer les luchonnaises et les luchonnais.
Je commence donc par le Conseiller régional John Palacin, colistier de Gérard Subercaze. Dans l'entretien d'aujourd'hui, il nous parle économie, culture et transport.
Luchon perd d'année en année des habitants. Nous sommes passés en dessous des 2.500 habitants selon les derniers chiffres publiés par l'INSEE. Comment envisagez-vous de faire revenir des familles à Luchon ?
Luchon a tout pour attirer des familles : des écoles, un collège et un lycée, tous de grande qualité, un cadre de vie exceptionnel, une vie sportive et associative intense, nous savons tout cela. Alors où se situe le blocage ? Sans engager de litanies sur le déclin de Luchon, disons simplement que pour rester à Luchon ou s’y installer, il faut pouvoir y travailler et s’y loger. Sur ces deux points, la situation est difficile : de notre point de vue, nous recréerons des emplois supplémentaires si nous parvenons à attirer des investisseurs et à nouer des partenariats de long terme avec eux : aménagement et exploitation d’infrastructures sportives et touristiques (notamment sur le site du Casino).
Luchon vit d’abord du tourisme et dans ce domaine, il faut proposer de nouvelles offres dans des secteurs en forte croissance comme le vélo et nous disposer d’outils de commercialisation plus puissants (une market place notamment).
Dans l’hôtellerie, il faut accompagner un changement de modèle : les hôtels où l’investissement se porte sont désormais un peu plus grand (à partir de 40 ou 50 chambres) que l’hôtel type de Luchon : il faut donc travailler sur des possibilités d’extensions foncières et de partenariats avec des investisseurs. Pour l’hôtellerie familiale traditionnelle, elle doit être soutenue dans es investissements: c’est la région Occitanie qui traite ces demandes.
Du point de vue des emplois, la station de Superbagnères a été reprise par le Syndicat Haute-Garonne Montagne et nous devons remercier le Président Georges Méric et le Conseil Départemental pour leur intervention qui permet de sauver et certainement de créer beaucoup d’emplois dans nos vallées.
Pour recréer quelques emplois supplémentaires, pensons aux circuits courts !
A l’échelle du Pays de Luchon, quelques unités de transformation de produits alimentaires locaux- truites, fromages, viande, produits naturels, etc.- pourraient être accompagnés (c’est aussi une priorité de la Région Occitanie !), proposés par des commerçants et des restaurateurs impliqués dans une démarche commune de valorisation et deviendraient de nouveaux arguments touristiques ! Tout cela représenterait de l’activité pour le pays de Luchon.
L’autre levier pour que des familles reviennent ou s’installent à Luchon est le logement : il n’est pas toujours simple de trouver un logement familial à Luchon, surtout en location. Il faut noter qu’il n’y a jamais eu d’action en faveur du logement à Luchon depuis des années : c’est là que le bât blesse. Pour que des familles viennent vivre à Luchon, il faut leur proposer les logements qu’elles recherchent. Les achats de résidences secondaires restent soutenus et c’est une force, mais nous ne souhaitons pas que Luchon devienne une ville morte en dehors des saisons touristiques. Et nous engagerons donc une politique municipale destinée à favoriser l’installation d’habitants à l’année : nous pouvons mobiliser suffisamment le foncier disponible pour envisager la construction de logements correspondant à la demande de ces personnes. En partenariat avec l’Etablissement Public Foncier régional, nous mobiliserons ces terrains pour construire une offre variée de pavillons et de petits collectifs en location et à l’achat, qui nous manque aujourd’hui cruellement. Nous assurerons que les conditions économiques et financières attractives soient proposées aux nouveaux habitants. Pour porter ces opérations nous ferons appel à une société d’aménagement dans le cadre juridique d’une Zone d’Aménagement Concerté en faisant en sorte que le bilan final soit transparent pour les finances de la ville.
Il me semble que la culture est le "parent pauvre" de Luchon... alors que la ville dispose des infrastructures nécessaires à une véritable programmation culturelle. Il en va de même des animations durant les périodes touristiques en hiver et en été ou lors de la présence des curistes qui manquent, à mon avis, de cohérence. Comment envisagez-vous la culture au sens général dans la vie de notre ville ?
La ville propose aujourd’hui des activités culturelles variées mais parfois dispersées, sans dessein culturel d’ensemble. Or Bagnères-de-Luchon doit formuler une proposition culturelle cohérente et forte. Il faut que l’offre culturelle soit d’abord cohérente avec qui nous sommes. La culture est toujours pour les Humains une certaine façon, singulière et riche, de vivre ensemble dans un environnement naturel.
Luchon est une ville de montagne, pyrénéenne, gasconne et occitane, héritière de 2.000 ans d’histoire: ces quelques mots dessinent, d’après nous, le fil rouge qui doit guider la programmation culturelle de la ville.
La première proposition serait de mieux mettre en valeur le patrimoine matériel et immatériel de la ville en refondant le projet muséographique de la ville : nous devons doter la ville d’un musée, sur un ou plusieurs sites, utilisant les technologies et les méthodes muséographiques numériques et modernes, pour mettre en valeur un part bien plus importante du fonds que possède le musée.
Le projet muséographique permettrait, dans le cadre du réaménagement de la ville, de positionner des sites dans des quartiers à l’écart des Allées d’Etigny, par exemple dans le quartier du Casino ou près de la place du marché.
La seconde proposition est de soutenir un mouvement fort qui s’est accentué ces dernières années : l’engouement, notamment des plus jeunes, pour la musique et les chants pyrénéens, gascons et occitans, revisités au goût du jour, autour de lieux conviviaux et d’événements qui rencontrent un succès populaire incontestable.
Luchon connaît plus largement une vitalité musicale exceptionnelle : avec les Rencontres lyriques, l’école de musique, la fanfare (on ne répètera jamais assez notre fierté collective de voir parfois plus de 30 musiciens jouant lors des cérémonies au monument au morts là où d’autres communes doivent utiliser un enregistrement pour faire entendre la Marseillaise…), et les initiatives musicales associatives et individuelles, Luchon a montré son potentiel.
Plus précisément, Luchon pourrait devenir un centre de la vie culturelle et musicale occitane.
Déjà les initiatives individuelles, associatives, parfois spontanées, irriguent la saison : le Festival Pyrénées Breizh, le carnaval gascon, les bals occitans, cantera sous la halle du marché, à l’église ou dans les établissements des Allées à Noël, au 15 août ou aux principaux points forts de la saison.
Dans ces moments-là, visiteurs, touristes curistes et Luchonnais sont ravis, ensemble.
Pourquoi ne pas proposer une programmation gasconne et occitane pour l’ensemble de l’année ou de la saison, voire d’un Festival gascon moderne et trad’ dans les restaurants, bars et hôtels de la ville dans le même esprit que le Festival Jazz en cordée qui avait été une grande réussite avant malheureusement de s’arrêter, et de Pyrénées Breizh qui pourra se développer, une programmation cohérente, suivie, de concerts, d’événements qui émailleraient la ville de façon régulière et qui, labellisés ensemble, pourraient faire l’objet d’une communication commune à l’extérieur.
Enfin, la politique culturelle de la ville doit se tourner vers les jeunes en soutenant des actions culturelles (il y a beaucoup d’idées qui ne demandent qu’à éclore !) permettant aux jeunes d’agir et de cultiver leur ouverture d’esprit (théâtre, concerts, expo, créer des liens entre sports et culture, culture et tourisme) : en associant les élèves et les enseignants, avec les parents et des associations, des actions passionnantes et bénéfiques pour chacun pourraient facilement voir le jour. Pourquoi ne pas associer les élèves au travail sur les archives du musée ou sur la valorisation du patrimoine naturel et urbain ? Sur la mémoire de la Retirada, la cérémonie à l’Hospice de France restera dans les mémoires grâce au travail remarquable réalisé par les élèves et professeurs de Luchon et de Vénasque : il faut s’en inspirer.
Le transport est un enjeu majeur de notre ville. De nombreux citoyens ont l'impression d'être loin de tout et coupé "du monde" ! La ligne SNCF devrait réouvrir en 2021/2022 avec probablement la présence de trains à hydrogène. Mais qu'en sera-t-il des horaires et des fréquences ? Pour se rendre à Saint-Gaudens, Toulouse ou Tarbes, les luchonnais seront-ils toujours obligés d'utiliser leurs voitures ?
Comme Carole Delga l’a rappelé lors de ses vœux, le premier train à hydrogène sortira de l’usine d'Alstom Tarbes et circulera dès 2022 sur la ligne Montréjeau-Luchon. Le projet prévoit de mettre entre place une navette qui permettra de prendre le train plutôt que la voiture pour se rendre à Saint-Gaudens ou à Toulouse. Le projet prévoit 5 à 6 allers et retours par jour dont un train direct pour Toulouse le matin et un autre le soir. Il sera possible de prendre les correspondances à partir de Toulouse pour Bordeaux, Paris et le reste de la France, de façon optimale.
Voilà le fonctionnement cible que nous visons. En plus, à ce retour du train à Luchon, nous souhaitons coupler une innovation technologique et environnementale : les débuts du train à hydrogène en France sur la ligne Montréjeau-Luchon.
L’effort exceptionnel de la Région Occitanie en faveur de la réouverture de cette ligne devra être un électrochoc : la communauté de commune et le PETR se saisissent déjà, en lien avec les associations de défense du rail, du projet de filière hydrogène sur le territoire. Cela signifie qu’en relai du train à hydrogène, des mini-bus à hydrogène, des véhicules de la ville et de la communauté de communes, pourraient également fonctionner à hydrogène. Et pourquoi pas des vélos ? La technologie existe. Alors, pour alimenter tous ces véhicules, il serait nécessaire de produire de l’hydrogène sur le territoire, un hydrogène "vert" produit à partir de biomasse et d’énergie renouvelable. L’objectif de développer des territoires à hydrogène est inscrit dans le Territoire d’Industrie Comminges et Nestes que j’ai l’honneur de copiloter pour la Région Occitanie.
La ville de Luchon et la communauté de communes auront besoin d’assurer la continuité des transports entre la gare et le centre-ville, l’Eglise, le téléporté et les Thermes : pourquoi ne pas s’inscrire dans la démarche collective engager les études et les investissements en faveur d’une filière hydrogène chez nous ? Une telle démarche sera profondément innovante.