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02 Apr

Covid-19 : Journal de confinement

Publié par Marie-Cécile Naud  - Catégories :  #Covid-19, #coronavirus, #confinement, #Luchon, #Samu, #pompier, #infirmière, #journal de bord, #Comminges, #Marie-Cécile Naud, #crise sanitaire, #Centre Hospitalier, #test, #masque

Covid-19 : Journal de confinement

Je publie ci-après le journal de Marie-Cécile Naud qui a été confinée le 26 février 2020, bien avant le confinement que nous connaissons tous, suite à son hospitalisation à domicile pour suspicion du Covid-19.

Les luchonnais (et les lecteurs de mon blog) connaissent bien Marie-Cécile Naud, présidente de l'association "Païs Bagnères Luchon Santé" et qui se bat contre le désert médical de notre territoire.

Journal de confinement Covid-19

31 Mars 2020  : LIBERTE CONDITIONNELLE  enfin !

Si j’avais un sujet à proposer au bac en ces périodes terribles de pandémie du Covid-19, ce serait :

"Confinement – liberté ou emprisonnement"

C’est vrai "tout est relatif " (Einstein)

24 février 2020

En ce qui me concerne, le confinement a commencé le 24 février 2020. Acte volontaire et civique, je reviens d’une zone à risques par le train entre Toulouse et Marseille Aller-Retour. Je me souviens même d’avoir croisé un asiatique, le pauvre qui m’a souri et malgré moi et c’est loin d’être dans mes habitudes, j’ai eu un mouvement de recul en me maudissant. Arrivée en gare de Marseille archi blindée, on est entassé les uns sur les autres. Retour pareil.

C’est vrai qu'il n’y a pas si longtemps les mesures de protections et les informations ne nous parvenaient pas comme une douche froide comme maintenant. Nous avons à mon sens trop tardé.

En pleine forme dès mon retour, comme de nombreux luchonnais, je vais faire un tour en Espagne et mes courses à Viehla.. Au retour, intuitivement, je me demande comment il se fait que cette frontière soit encore ouverte en pensant que cela n’allait pas durer.

Le  mercredi  26 février, j’ai plus de 39 de fièvre, mal à la gorge, mal à la tête, mal aux yeux et une toux sèche qui m’arrache les poumons. Je ne suis pas du genre à paniquer. Vitamines C  magnésium et spiruline et des repas sains et du repos cela devrait passer.

Je n’oublie pas ma fabrication de rhum camphré QUI NE SE BOIT PAS, mais qui soulage de la toux et du mal de gorge.

Mon aide ménagère est inquiète et me demande d’appeler le 15...

J’attends et ça s’aggrave et le vendredi, elle me supplie d’appeler mon médecin traitant. J’ai la chance d’en avoir un.

Le 2 mars 2020, alors que cela fait déjà 5 jours que je ne suis pas du tout sortie. Le verdict je devrais dire la sentence tombe :

"Hospitalisation à domicile, aucune autorisation de sortie, ni de visite jusqu'au 31 mars 2020. Plus d'aide à domicile, même si je bénéficie de l'APA et du statut de personne handicapée à 80%, catégorie 2"

Enfermée dans 29m² avec une seule porte fenêtre donnant sur le parking vide..  Je sens que ça va être dur.

Bourrée d’antibiotiques, de paracétamol, il va falloir que je m’organise :

Les courses : heureusement le relai avec Sylvain du "Petit Casino" des Allées me livre. Pour ne pas le contaminer, ma voiture sur le parking est la seule solution pour éviter les contacts...

J’y descend masquée et gantée quand il n’y a personne et j’ai même l’idée de me filmer pour faire rire mes amis du monde entier qui s’inquiètent pour moi sur l’air de "Pink Panther", j’aurais dû mettre "au bal masqué  ohé ohé".

Rire d’abord, un peu de dérision ça fait du bien à moi et aux autres..

Je propose des ateliers sur ma page de l’association et je fais même la lecture d’un conte tropical de mon Ami Arthur… c’est de la vitamine D.

J’essaie d’établir des horaires.

Je parle toute seule, chante toute seule… je frôle l'HP !

Organisation infirmières  J2 J7 surveillance des constantes 2 fois par jour. Les pauvres essuient les plâtres des consignes, se changent dans mon couloir presque comme des cosmonautes mais certainement pas aussi bien protégées. Il faut faire vite. Alors elles inventent la télé-surveillance via Whatsapp et on peut se voir sans masques et parler sans détour.

C’est tellement plus humain et pour une fois le virtuel utilisé ainsi a vraiment du bon.

Je lis beaucoup, fais ma sophro, réponds à mes amis du monde entier, merci Whatsapp, Messenger, et internet en général.

Je confine la télé, je n’en peu plus d’entendre toutes les litanies de plus en plus angoissantes. Je me concentre sur ma musique. Salsa, jazz, blues et mes lectures. De plus en plus isolée. Et fatiguée. Je me pose des questions existentielles.

JOUR 7 GRRR !!!

Rien ne va plus, très haute tension, douleurs dans la poitrine jusque dans l’omoplate gauche, toux incessante. Je suis ÉPUISÉE. L’infirmière qui prend mes constantes selon le protocole appelle le médecin du SAMU pour un conseil.

Le médecin régulateur décide immédiatement "HOSPITALISATION n° SAMU 942 COVID 19"...

J’avoue là que je pense à tous ceux que j’aime et qui me manquent... est-ce que…. Mon compagnon à 12.000km s’inquiète tout en restant calme, mais triste. Il faut prévoir au cas où... face à la réalité de la vie et de la mort.

Le SAMU arrive moins de 10mn après... ils sont plus effrayés que moi et tente de me rassurer sans trop y croire. Ils ont besoin d’être rassurés. Là tous les tests que j’ai fait 10mn plus tôt recommencent alors que je suis assise par terre dans le hall d’entrée.

Je flanche, je vais m’évanouir… je veux remonter chez moi !

INTERDIT

Je n’arrive pas à me relever de ma position assise et ils n’ont pas le droit de me toucher. 21 ans de SEP, je vais bien finir par y arriver. Je booste mon mental pendant qu’ils téléphonent au SAMU….je n’en crois pas mes oreilles et je m’énerve. Ils finissent par me faire monter dans le camion, mais mes jambes ne me portent plus. Le jeune qui a fait tous les examens, finis par me tendre la main pour m’aider à monter. Je lui souris, il est silencieux mais me souris aussi. Le conducteur panique toujours plus...

Me voila dans la 5e dimension sur mon brancard et les extra terrestres tout en blanc de la tête aux pieds et masqués…bref totalement équipés. Je prends même une photo avant de m’endormir dans le camion pompier qui me secoue comme un prunier.

Arrivés à Saint-Gaudens en panique totale, sauf moi et le jeune pompier. On attend 20mn dans le camion. Quoi ? personne ne sait et le pompier conducteur engueule tout le monde, pour se soulager sans doute.

Le pire est à venir et je l’ignore heureusement. J’arrive donc dans une petite salle aux dessins enfantins avec seulement un puit de jour, un brancard et des infirmières équipées de masques, de blouses et de gants, elles aussi tendues. Elles sont en rogne, j’ai un masque FFP2 et pourtant je ne l’ai pas volé, je suis BPCO depuis plus de 3 ans. En colère aussi après ma pauvre infirmière qui se serait "affolée" pour rien. Le médecin en charge de mon hospitalisation ne lira aucun compte rendus médicaux, ses infirmières me massacreront les deux bras incapables de poser un cathéter "j’ai la peau trop dure" je n’aurai qu’une prise de sang et un électrocardiogramme.

Et basta ! Retour à domicile avec un chauffeur de taxi sans masque et sans gants. Je le plains  en silence. Le médecin en question a refusé de faire le diagnostic préconisé par le médecin du SAMU et mon médecin généraliste n'aura donc aucun compte rendu.

Bien sûr, je craque à mon retour, je pleure toutes les larmes de mon corps et j’ai envie d’en terminer avec ce calvaire et cette interdiction toujours formelle de sortir sous aucun prétexte.

Mes infirmières sont présentes moralement et ne me lâchent pas.

Mes amis du monde entier m’envoient TOUS les jours des trucs pour me faire rire et je n’ai plus beaucoup de temps pour  avoir peur. Génial, mes anciens collègues même de mes débuts + de 50 ans d’Amitié... le monde se refait autour de moi et me reconstruit.

29 mars

J’ai enfin le droit jour  à  un médicament pour ma tension à 19.8 depuis presqu’une semaine et  en dernière minute une ordonnance pour faire le test Covid-19 officiel.

Dimanche (jour 14) : dernières prises de constantes avec mon infirmière tard le soir. Ouf ça va mieux et nous sommes optimistes.

Lundi 30 mars : 

Il neige et c’est incroyable comme c’est beau, impossible de sorti mon véhicule pour aller au labo, j’irai à pieds, munie de mon ordonnance et de mon "laisser passer ". Oui c’est vrai "on est en guerre". Impossible de rentrer au labo. Le test se fait dehors, pas agréable certes mais j’ai connu pire, même si ma narine gauche ne fait que saigner…

Ce matin 31 MARS 2020 !!! 36 jours enfermée à domicile  !!!

Le laboratoire m’appelle : MERCI !!!! ouf c’est derrière ! Je vais pourvoir être confinée comme les autres avec 1h de liberté surveillée !!!! 

"Libérée, délivrée » Prison Break ! ou presque... Tout est relatif. Merci Enstein.

Ouf : morale de cette histoire vraiment difficile qui nous fait passer par toutes les émotions, les craintes, les peurs :

RESTER CHEZ VOUS ! PENSEZ AUX AUTRES !

Sachez apprécier votre liberté conditionnelle, d’autres comme moi, isolés seuls chez eux, pires sans médecins traitants surtout dans notre vallée de Luchon où je combats  farouchement contre ce désert médical, aux personnes enfermées dans les EPHAD,

 C’est terrible l'isolement total… et peux être létal… Ne les oubliez pas.

 

Aujourd’hui, je suis en liberté conditionnelle mais pour moi c’est un cadeau de la vie et je suis heureuse de pouvoir être confinée comme les autres avec mes 1h par jour.

Comme quoi tout est relatif. Savoir apprécier les plus petites choses, les plus petits bonheurs même virtuels. GRATITUDE !!!! La vie n’a pas de prix. Alors protégeons là ! elle est courte et imprévisible.

Marie-Cécile Naud

"C'est là, où j'ai passé mon confinement..."

"C'est là, où j'ai passé mon confinement..."

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La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité (Albert Camus)