A Luchon, les Pyrénées vues du ciel : entretien avec Pierre-Yves Guise de "Croisi'Air"
Pierre-Yves Guise pilote des planeurs depuis vingt ans. Marin de profession... il est passionné de montagne. Il a découvert Luchon il y a cinq ans. Un véritable coup de coeur pour cette cité thermale au coeur des Pyrénées. Et le voilà désormais à la tête de son entreprise "Croisi'Air" qui propose de visiter les "grands" sites pyrénéens à bord de son moto-planeur.
Pierre-Yves Guise répond à mes questions :
Vous venez de créer votre activité "Croisi'Air" à Luchon. En quoi consiste-elle ?
Le but de l'activité est faire de visiter différents sites des Pyrénées vu du ciel. De là haut, on a un point de vue exceptionnel, unique, qui permet d'apprécier dans son ensemble l'histoire naturelle et humaine de ces lieux. Et pour ceux qui connaissent déjà bien ces massifs, vu du ciel c'est complètement différent, et on se surprend à les redécouvrir.
J'essaie de donner des explications durant le vol sur l'histoire de ces sites, notamment sur les traces laissées par les glaciers présents à l'époque du quaternaire. Ces traces sont bien visibles vu du ciel, et je trouve que regarder un paysage et en même temps comprendre comment il s'est créé est très enrichissant, ça offre une nouvelle perspective à ces superbes paysages.
C'est donc différent d'un baptême de l'air classique que propose notamment l'aéroclub de Luchon. J'en suis membre aussi et je pense que c'est important de proposer des offres complémentaires et non de "se marcher sur les pieds"
Comment se déroule les vols ?
J'essaie dans la mesure du possible de voler le matin, car la masse d'air est plus calme, même si avec l'appareil que j'utilise on est moins sensible à la turbulence qu'un parapente ou un ULM classique. Le vol dure environ une heure.
L'idée est de prendre de l'altitude avec le moteur jusqu'au milieu du parcours et ensuite, on le coupe et on rentre en plané. Ça permet d'avoir un vol très agréable et confortable : on ne va pas passer son temps à "spiraler "comme un planeur pour prendre de l'altitude, car ça augmente fortement le fait de tomber malade au bout de 20 min !
Ça permet aussi de découvrir deux phases de vol différentes :
- Le vol plané
- et le vol au moteur.
Pour vous donner une idée, on va décoller de Luchon, et si on veut aller découvrir de massif de la Maladetta, on va parcourir le Campsaure au moteur, passer le Port de Venasque, monter le long de la face sud du massif de la Maladetta.
Arrivé là, le vol a duré environ 30 min, et nous sommes à 3.500m, on va ensuite couper le moteur, survoler l'Aneto, planer le long de la face nord et rejoindre la vallée d'Artiga de Lin, passer par le col du Portillon, aller voir Superbagnères, un petit tour au lac d'Oô en remettant en route le moteur si besoin, et rentrer à Luchon en plané à nouveau.
Et pour que mes passagers soient disponibles et puissent regarder le paysages sans avoir l'oeil rivé dans l'objectif d'une caméra, le vol est filmé à l'aide d'une caméra "Pour que mes passagers soient disponibles et puissent regarder le paysages sans avoir l'oeil rivé dans un appareil photo, j'offre les images du le vol qui est filmé à l'aide d'une caméra extérieur."
Avec quel appareil s'effectue les vols ?
C'est un formidable aéronef que j'utilise : un moto planeur. C'est un peu comme un avion hybride : c'est un petit avion avec la forme d'un planeur. Donc on peut couper le moteur et continuer le vol en plané, prendre des courants ascendants pour reprendre de l'altitude, et remettre le moteur en route à tout moment si on le souhaite.
Le modèle que j'utilise s'appelle un Phoenix, qui n'est malheureusement pas très répandu en Europe car le constructeur le fabrique en petite série. En France il n'y en a qu'une petite dizaine.
Il y a de la place pour le pilote et un passager. L'habitable est très confortable, avec une bonne visibilité.
Il y a aussi ce que l'on appelle un parachute pyrotechnique, c'est un parachute attaché à la structure qui va faire redescendre en douceur le motoplaneur et ses occupants en cas de dommages sévères sur la structure. Mais c'est très rare que ça soit utilisé en France.
Donc côté sécurité, si le moteur tombe en panne : pas de soucis on peut toujours rentrer en planant, et au pire il y a un parachute sur le motoplaneur.
La structure est entièrement en carbone donc très légère et solide. A vide il pèse 308 kg.
Côté performance c'est un moteur de 100 Cv (type Rotax 912 ULS) qui est très répandu et connu pour être fiable. Il consomme environ 10L/heure et fonctionne au SP98, comme les voitures.
L'appareil est donné pour 30 de finesse, c'est à dire que qu'avec 1.000m de hauteur il pourra parcourir 30 km avant de toucher le sol. Et plus bien sur si on reprend des courants ascendant en route !
Comme il est léger et aérodynamique, il a un rapport poids/puissance/traînée très intéressant. Il peut même remorquer des planeurs pour les faire décoller. D'ailleurs, à partir de fin juillet on s'en servira pour remorquer les planeurs de l'aéroclub en plus des avions que nous utilisons.
L'avantage par rapport à l'avion, c'est le bruit ! Il est beaucoup plus silencieux et pour les habitants de la vallée, ça sera apprécié je pense !
Pouvez-vous vous présenter à mes lecteurs ?
J'ai commencé à piloter les planeurs à l'âge de 14 ans, et depuis je n'ai pas arrêté. Ça fait donc 20 ans que je vole. C'est ma passion. Je suis instructeur planeur et ULM aussi, bénévolement.
Mais la base de mon métier... c'est marin.
Depuis 10 ans, je navigue pour la compagnie de croisière, "Ponant." On emmène des passagers sur des navires à taille humaine (environ 200 passagers sur des navires de 140m) et c'est surtout de la croisière dite d'expédition : à savoir débarquer les passagers dans des endroits sauvages avec des guides naturalistes.
A bord, je suis lieutenant, donc pendant mon quart je suis en charge de la conduite du navire et sa sécurité. Et quand je ne suis pas de quart je forme l'équipage à la sécurité, en cas d'incendie, voie d'eau, abandon...
Aujourd'hui, j'essaie de naviguer un peu moins, juste l'hiver pendant 3/4 mois et je souhaite consacrer le reste de l'année à ce projet.
Lorrain d'origine, j'adore les montagnes ! C'est ce qui m'a fait venir à Luchon il y a 5 ans, j'avais envie de découvrir les Pyrénées en planeur.
En cette période de crise sanitaire, quelles sont les conditions de sécurité qui sont imposées ?
J'applique comme tous les clubs les directives sanitaires, et nous suivons les instructions données par les Fédérations aéronautique.
Donc entre chaque vol on désinfecte le cockpit, j'ai des mousses de rechange pour les micros, on vole avec les aérations ouvertes. Et on porte un masque car on ne peut pas respecter la distance physique de 1m.
Pourquoi avoir choisi d'installer votre activité à Luchon ?
Luchon c'est un cadre vraiment exceptionnel ! Déjà, j'adore la montagne. Alors quand j'ai eu l'idée de ce projet, je voulais être à la montagne. Et puis j'ai découvert Luchon il y a 5 ans, je connaissais déjà plusieurs terrains dans les Alpes, mais je n'ai pas été aussi bien accueilli qu'ici. (Même s'ils sont sympa aussi là bas!)
Ici l'aérodrome est visible, on est pas éloigné de tout comme c'est souvent le cas.
Enfin, on est au coeur des Pyrénées, on a de superbes massifs à portée. Car lorsque l'on emmène un passager contre rémunération la réglementation interdit de s'éloigner de plus de 40km.
Donc il n'y que depuis Luchon qu'il est possible d'emmener des passagers en vol, survoler l'Aneto, le massif du Néouvielle et des Encantats (sans rentrer dans les espaces protégés bien sur), le Pic du Midi, le Valier...
Du coup, je suis le seul à proposer cette activité dans les Pyrénées !
(Crédit Photos : Croisi'Air)
Du côté pratique :
- Site internet de "Croisi'Air" : cliquez ici