"En souvenir de Valéry Giscard d'Estaing" par Gabriel Valdemosa, auteur
VGE à l'aéroport de Toulouse-Blagnac, en novembre 1969. (Photo : Fonds André Cros - Wikipedia CC BY-SA 4.0)
Emmanuel Macron a décrété un jour de deuil national ce mercredi 9 décembre en hommage à Valéry Giscard d'Estaing, décédé le 2 décembre des suites du Covid-19, cette "figure de l'histoire de notre République".
Quand j'ai appris la disparition de l'ancien président de la République, j'ai annoncé sur ma page Facebook : "Mort de #VGE" avec deux coupures de presse.
Parmi les commentaires suite à ce post, j'ai noté celui de l'auteur Gabriel Valdemosa, passionné de Luchon, à qui j'ai donné, à plusieurs reprises, la possibilité de s'exprimer sur mon blog.
Voici ce commentaire :
"On ne l'oubliera pas. Il fut certainement un président incompris. Il était pour moi le dernier grand président encore en vie. De ceux qui étaient capables de débattre avec intelligence et distinction et qui ne tomba jamais dans l'invective, dans l'arrogance ni dans la vulgarité (contrairement aux trois qui restent...)"
Ne portant pas le même regard sur VGE, j'ai eu envie que Gabriel puisse lui rendre son hommage à travers mon blog.
J'avais 24 ans quand Valéry Giscard d'Estaing est arrivé au pouvoir en France. Je venais de terminer mes études de droit et j'étais en totale opposition aux étudiants de ma fac qui arboraient le "fameux" t-shirt :
Je faisais partie de l'autre jeunesse, celle issue de Mai 68, la contestataire qui, de Berkeley à Tokyo, d’Amsterdam à Mexico, de Rome à Madrid et Varsovie, avait fait irruption sur la scène mondiale...
Je rêvais d'un autre monde...
Certes, je ne l'ai jamais atteint... mais j'ai toujours gardé en moi l'esprit de liberté, d'indépendance, de tolérance... qui me permet aujourd'hui de vous donner à lire l'hommage de Gabriel à VGE :
"En souvenir de Valéry Giscard d'Estaing"
Valéry Giscard d’Estaing s’est éteint et j’ai eu alors la triste sensation qu’une époque s’achevait.
Celle de la fin des trente glorieuses (1946 – 1976) dans une France de tous les possibles encore insouciante et dynamique malgré le chômage de masse qui galopait déjà.
Il était pour moi le dernier grand Président encore en vie. VGE appartenait à cette espèce d’hommes politiques qui savaient débattre de façon intelligente sans tomber dans l’invective, dans la sensiblerie ni dans la vulgarité.
Il s’adressait également au peuple sans arrogance et sans mépris, avec cette simplicité sincère et parfois maladroite.
J’aimais sa conception de l’Europe : une Europe de l’histoire et de la paix, loin de l’Europe mercantile que nous ont vendue tous ses successeurs. Il en posa d’ailleurs les bases en imaginant une monnaie commune : l’écu… qui deviendra ensuite une réalité sous le nom de l’euro.
Sa vision historique et humaniste de l’Union Européenne, il la devait certainement au fait qu’il était le dernier Président à avoir combattu durant la Seconde Guerre Mondiale, engagé à 18 ans dans la première armée du Maréchal De Lattre.
Je pense qu’il eut l’intelligence politique de "sentir" l’air du temps dans une France post 68.
La société exigeait des réformes, il n’aura pas peur de les faire : majorité et droit de vote à 18 ans, dépénalisation de l’adultère, regroupement familial, légalisation de l’IVG (loi Veil), légalisation du divorce par consentement mutuel...
Nous y sommes tellement habitués, que nous oublions que nous vivons encore aujourd’hui sur les acquis du septennat de VGE.
Tourné vers l’avenir et la technologie, c’est encore lui qui fit l’éclatement de l’ORFT, qui lança la première fusée Ariane, qui développa le téléphone, le minitel et le TGV.
Je pense qu’en replaçant chaque Président dans le contexte de son époque, Giscard fut le plus moderne. Il aimait d’ailleurs prendre Kennedy pour modèle.
Et, puisqu’on nous parle tant de la dette et du déficit public, j’aime à me souvenir qu’il fut le dernier à léguer à la France un budget en équilibre.
Partageant avec lui l’amour de l’écriture, j’admirais son érudition, son amour des belles lettres, des mots, des livres et de la langue.
Réformateur, Européen convaincu, grand défenseur des droits humains, académicien; je suis convaincu que la triste mort de Valéry Giscard d’Estaing, emporté par la Covid-19, nous fera redécouvrir son septennat audacieux, humaniste et réformateur.
Enfin, je voudrais terminer ce modeste hommage avec ses mots. Il s’agit de sa dernière phrase en tant que Président. Dans les temps troublés que nous vivons, elle résonne d’un écho particulier :
"Et dans ces temps difficiles où le mal rôde et frappe dans le monde, je souhaite que la Providence veille sur la France, pour son bonheur, pour son bien et pour sa grandeur. Au revoir !"
Gabriel Valdemosa, auteur