Putsch des généraux à Alger : il y a 60 ans, je voyais pour la première fois mon père pleurer
C'était le 21 avril 1961. Il y a 60 ans, jour pour jour. J'avais 10 ans et j'ai compris ce jour-là que ma vie ne tenait qu'à un fil...
Mon père, dans la salle à manger, devant le poste TSF écoutait l'annonce du putsch des généraux factieux à Alger avec ce message des putschistes annonçant que "l'armée a pris le contrôle de l’Algérie et du Sahara".
Il s'est alors retourné vers ma mère, les larmes aux yeux, en prononçant cette phrase qui est définitivement gravée dans ma mémoire :
"C'est la fin ! Il faut que tu partes avec le petit pour éviter le pire !"
Ma mère ne partit pas. Par contre, on me confia à Laïlia et pendant quelques jours je vécu, caché, chez elle, dans le quartier du fort de "La Redoute" avec obligation de ne pas sortir... et sans aucune nouvelle de mes parents.
Bien entendu, ma mère resta avec mon père. Le danger ne lui faisait pas peur et elle n'allait pas l'abandonner à un tel instant de son combat. A dix ans, je vivais cette guerre d'Algérie depuis déjà, plusieurs années, la peur au ventre tout en continuant à évoluer avec mes petits amis comme si cette guerre se déroulait ailleurs...
Mon père était, ce que l'on appelait à l'époque, un "libéral" prônant le rapprochement social entre les différentes communautés de l'Algérie, ce pays où nos ancêtres débarquèrent en 1848.
Autant dire qu'il était dans la mire de tir des ultras de l'Algérie française qui, peu de temps après ce putsch avorté des quatre généraux cinq étoiles Challe, Jouhaud, Salan et Zeller, allaient devenir les futurs extrémistes de l'OAS et pratiquer la politique de la terre brûlée...
Ce sont des amis algériens qui sont venus me chercher pour me mettre en sécurité chez Lalïa... Quelques jours plus tard, après l'échec du putsch d'Alger, d'autres sont venus me ramener au foyer familial.
La vie pouvait continuer tant bien que mal !
Moins d'un an plus tard, nous serons victimes d'un attentat de l'OAS, mais c'est une autre histoire...
Les larmes de mon père de ce 21 avril 1961 sont toujours gravées dans ma mémoire. Elles m'accompagneront jusqu'à la fin...
- A lire : 21 avril 1961, le putsch d'Alger (Herodote)