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21 May

Loi sur les langues régionales : deux articles censurés par le Conseil constitutionnel

Publié par Paul Tian  - Catégories :  #Conseil Constitutionnel, #Sages, #loi, #langues régionales, #France, #Occitanie, #Bretagne, #Basque, #Corse, #République Française

(Photo illustration : Wikipedia)

(Photo illustration : Wikipedia)

Saisi par une soixantaine de députés LREM (lire ici), le Conseil Constitutionnel a partiellement censuré la loi sur la protection et la promotion des langues régionales, adoptée le 8 avril dernier par le Parlement. 

  • L’article 4, qui prévoit que l’enseignement d’une langue régionale peut prendre la forme d’un enseignement immersif, "est contraire à la Constitution" pour les Sages.
  • L'article 9, qui prévoit que les signes diacritiques des langues régionales sont autorisés dans les actes de l’état civil est lui aussi jugé "contraire à la Constitution".

 

Les Sages du Conseil Constitutionnel estiment que ces articles ne sont pas compatibles avec l’article 2 de la Constitution, qui stipule que "la langue de la République est le français".

Communiqué de presse du Conseil Constitutionnel concernant la "Loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion"

Le Conseil constitutionnel valide des dispositions relatives à la prise en charge financière par les communes de la scolarisation d'enfants suivant des enseignements de langue régionale mais censure celles relatives à l' « enseignement immersif » de ces langues et à l'utilisation de signes diacritiques dans les actes de l'état-civil

Par sa décision n° 2021-818 DC du 21 mai 2021, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, dont il avait été saisi par plus de soixante députés.

* Une question de recevabilité de ce recours a été tranchée par le Conseil constitutionnel, en réponse à la demande formée par quatre de ses soixante-et-un signataires, postérieurement à son enregistrement par le greffe du Conseil constitutionnel, que leurs signatures en soient retirées.
Le Conseil constitutionnel a rappelé que, en vertu de l'article 61 de la Constitution et de l'article 18 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, la saisine du Conseil constitutionnel par les membres du Parlement résulte indivisiblement d'une ou plusieurs lettres signées par au moins soixante députés ou soixante sénateurs. L'effet de cette saisine est de mettre en œuvre, avant la clôture de la procédure législative, la vérification par le Conseil constitutionnel des dispositions de la loi déférée. Aucune disposition de la Constitution non plus que de la loi organique relative au Conseil constitutionnel ne permet aux autorités ou parlementaires habilités à déférer une loi au Conseil constitutionnel de le dessaisir en faisant obstacle à la mise en œuvre du contrôle de constitutionnalité engagé. Dès lors, hormis les cas d'erreur matérielle, de fraude ou de vice du consentement, le Conseil constitutionnel ne saurait prendre en compte des demandes exprimées en ce sens.

En l'espèce, le Conseil constitutionnel a jugé qu'il ne ressortait pas de l'instruction que le consentement des députés ayant demandé le retrait de leur signature eût été vicié ou que ceux-ci eussent commis une erreur matérielle en saisissant le Conseil constitutionnel. Les signatures que comporte la saisine ont pu être authentifiées. Le Conseil constitutionnel a jugé qu'il y avait lieu, par suite, de les faire figurer au nombre des signataires de la saisine.

* L'unique article contesté par les députés requérants était l'article 6 de la loi déférée, qui modifie les dispositions de l'article L. 442-5-1 du code de l'éducation relatives aux modalités de participation financière d'une commune à la scolarisation d'un enfant résidant sur son territoire dans un établissement privé du premier degré situé sur le territoire d'une autre commune et dispensant un enseignement de langue régionale. Les dispositions contestées prévoient que la participation financière à la scolarisation des enfants dans les établissements privés du premier degré sous contrat d'association dispensant un enseignement de langue régionale fait l'objet d'un accord entre la commune de résidence et l'établissement d'enseignement situé sur le territoire d'une autre commune, à la condition que la commune de résidence ne dispose pas d'école dispensant un enseignement de langue régionale.

Pour se prononcer sur sa conformité à la Constitution, le Conseil constitutionnel a rappelé que, aux termes de l'article 2 de la Constitution, « La langue de la République est le français ». Cette disposition n'interdit pas à l'État et aux collectivités territoriales, pour concourir à la protection et à la promotion des langues régionales, d'apporter leur aide aux associations ayant cet objet.

A l'aune du cadre constitutionnel ainsi rappelé, le Conseil constitutionnel relève, d'une part, que les dispositions contestées n'ont pas pour effet d'imposer l'usage d'une langue autre que le français à une personne morale de droit public ou à une personne de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public. Elles n'ont pas non plus pour effet de permettre à des particuliers de se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français, ni de les contraindre à un tel usage. D'autre part, le seul fait de prévoir, dans les conditions prévues par les dispositions contestées, la participation d'une commune au financement de la scolarisation d'un élève résidant sur son territoire et souhaitant être scolarisé dans un établissement du premier degré sous contrat d'association situé sur le territoire d'une autre commune au motif qu'il dispense un enseignement de langue régionale au sens du 2 ° de l'article L. 312-10, ne méconnaît pas le premier alinéa de l'article 2 de la Constitution.

* Le Conseil constitutionnel s'est par ailleurs saisi d'office de deux autres dispositions de la loi déférée.

- D'une part, il a statué sur son article 4, qui étend les formes dans lesquelles peut être proposé, dans le cadre des programmes de l'enseignement public, un enseignement facultatif de langue régionale. Il prévoit que cet enseignement peut être proposé sous la forme d'un enseignement immersif en langue régionale, sans préjudice d'une bonne connaissance de la langue française.

Le Conseil constitutionnel a rappelé que, en vertu des dispositions de l'article 2 de la Constitution, l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public. Les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage. Il a également rappelé que, aux termes de l'article 75-1 de la Constitution, « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Il en résulte que si, pour concourir à la protection et à la promotion des langues régionales, leur enseignement peut être prévu dans les établissements qui assurent le service public de l'enseignement ou sont associés à celui-ci, c'est à la condition de respecter les exigences précitées de l'article 2 de la Constitution.

A cette aune, le Conseil constitutionnel relève qu'il résulte notamment des travaux préparatoires de la loi déférée que l'enseignement immersif d'une langue régionale est une méthode qui ne se borne pas à enseigner cette langue mais consiste à l'utiliser comme langue principale d'enseignement et comme langue de communication au sein de l'établissement.

Il en déduit que, en prévoyant que l'enseignement d'une langue régionale peut prendre la forme d'un enseignement immersif, l'article 4 de la loi déférée méconnaît l'article 2 de la Constitution.

- D'autre part, il a statué sur l'article 9 de la loi déférée, qui autorise les signes diacritiques des langues régionales dans les actes de l'état civil.

Le Conseil constitutionnel juge que, en prévoyant que des mentions des actes de l'état civil peuvent être rédigées avec des signes diacritiques autres que ceux employés pour l'écriture de la langue française, ces dispositions reconnaissent aux particuliers un droit à l'usage d'une langue autre que le français dans leurs relations avec les administrations et les services publics. Dès lors, elles méconnaissent les exigences précitées de l'article 2 de la Constitution.

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La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité (Albert Camus)