Entretien avec l'auteur Pyrénéen Christian Louis : "Le matin, l’histoire se tisse de mots en phrases... l'après-midi, je corrige"
J'ai une première question à vous poser. Quel est votre secret pour arriver à écrire autant ?
Plusieurs facteurs sont à l’oeuvre et entrent en synergie. Tout jeune, j’ai écouté avec passion, les récits de mes grands parents. Ils aimaient raconter. Mes parents n’étaient pas en reste et chaque repas de famille était l’occasion de les écouter. Quand j’ai été père, je racontai tous les soirs, pendant des années, des histoires improvisées, à mon fils et à ma fille. Si elles avaient été transcrites, elles occuperaient de nombreux rayonnages. J’ai toujours raconté moi-même lors de repas de famille ou d’amis.
Deuxième facteur, j’écris vite et longtemps, jamais en panne d’imagination et un faible besoin d’heures de sommeil. Car l’écriture d’un livre possède aussi une dimension physique, presque sportive.
Troisième facteur, la réception de mes écrits. J’ai le bonheur d’avoir la confiance de plusieurs éditeurs et d’un lectorat de plus en plus large, qui croît semble-t-il à chaque nouvelle sortie de roman. On me signifie le plaisir de me lire, j’en suis heureux et j’ai envie de leur faire plaisir à mon tour, sans toutefois altérer la nature de mon propos.
Donc, tradition de conteurs dans la famille, énergie, et réception bienveillante.
Vous écrivez depuis de nombreuses années et depuis que je vous connais "numériquement parlant" vous n'avez cessé d'écrire et de publier. Comment vous est venu cette envie d'écrire ? Comment naît chez vous l'idée d'un roman ?
Pour l’envie d’écrire, cela vient de mon amour des livres, très présents chez moi dès la petite enfance. J’avais donc envie d’avoir mon livre dans la bibliothèque de la maison. J’en ai fabriqué de façon artisanale, en collant des photos, en dessinant, en écrivant des petits textes.
J’ai été encouragé, d’abord par mes parents, puis par mes instituteurs, puis par mes profs au collège et au lycée, puis à l'université. Un enseignant, par quelques mots adroits, peut guider un destin, une trajectoire.
L’idée d’un roman naît de l’observation du monde, des lieux, des gens. J’aime voir ou imaginer derrière les masques sociaux. Et puis, la vie vous faite rencontrer des héros inconnus et des salauds implacables. Les gestes lumineux des uns et les turpitudes des autres sont des sources riches et fécondes. Il suffit ensuite, comme dans un tableau, de composer, de distiller des nuances et des teintes, d’harmoniser, de contraster quand il le faut.
Après les trois volumes de "L'assassinat de Saint-Béat", des romans historiques qui ont connu un très beau succès auprès des lecteurs, vous venez de publier "La vallée des sacrifiés" où l'on retrouve la policière, Blandine Pujol et le journaliste Vincent Darbon, personnages clés de votre précédent roman "Balade mortelle dans les Pyrénées". Pouvez vous résumer en quelques phrases l'énigme de ce dernier roman ?
Une main tranchée est retrouvée sur le monument aux morts de Saint-Tarin. Le parquet saisit Blandine Pujol dans le cadre d’une procédure. Elle accepte cette fois encore, la complicité du journaliste Vincent Darbon. A deux, mais aussi avec son équipe de policiers du commissariat et de la police scientifique, ils vont devoir sillonner le Comminges, d’autant que d’autres mains sont retrouvées. Je ne peux en raconter plus...
Pourquoi avoir choisi les personnages de la policière et du journaliste ?
La policière a la légitimité de l’institution pour fouiller dans les vies privées, dans les obscurités des personnes. Mais elle est bornée par les rigueurs de la procédure. Le journaliste est plus libre. Il peut aller fouiller plus loin encore. Mon roman confronte trois regards : celui de la policière, celui du journaliste, et celui du narrateur.
Le 3 est d’ailleurs la clé de ce roman.
3 types d’approches : celle de Blandine qui n’est pas du coin et voit tout cela avec le regard de sa fonction, de sa culture, de son extérieur. Celle de Vincent qui confronte ses souvenirs d’enfance en ces lieux avec la réalité d’aujourd’hui. Le narrateur détaché qui observe comme un entomologiste qui surplombe un vivarium.
3 types de personnages : les gentils et sympas inspirés de personnes réelles qui peuvent se reconnaitre et savoir ainsi, entre les lignes, l’estime que je leur porte. Les méchants qui sont purement fictionnels, résultat d’un collage de fragments vus, rencontrés, écoutés. Personne ne peut se reconnaître dans un des personnages sombres, sauf à revendiquer un niveau profond de bêtise. Les personnages archétypes qui crédibilisent les décor, le lieu : un berger dans un village de montagne, un commerçant dans une ville moyenne, un diplomate dans un quartier chic de la capitale
3 types de lieux : les réels sont reconnaissables, les imaginaires, et ceux qui sont un mélange des deux. On reconnait cette façade, mais j’invente le décor intérieur.
Un troisième roman avec Blandine et Vincent ?
Oui, il est en cours d’écriture. Il plonge dans le monde de l’art contemporain et questionne de comportement des mythomanes de FaceBook, ces gens qui s’inventent des vies profondes et aventureuses par des images mais qui sont creux. Je me délecte d’écouter ces auteurs de premier roman pas encore vendu qui parlent avec assurance de leur œuvre littéraire. Le jeu de rôle est devenu très facile. Je m’en amuse. L’artiste joue avec l’imaginaire et le mythomane vit dans l’imaginaire. La rencontre est explosive. Toute ressemblance avec des escrocs réels est bien sûr le fruit du hasard. Ce qui m’intéresse, c’est le mécanisme psychologique qui conduit au drame.
Avez-vous besoin d'un long travail préparatoire pour construire vos romans, modeler vos personnages ?
Oui, c’est indispensable. Six années de recherche pour l’Assassinat de Saint-Béat. Pour mes polars contemporains, je rédige des fiches des personnages, je trace des schémas pour gérer leur apparition. Dans un polar, il y a ce que je sais et que je ne dois pas révéler trop tôt, ainsi que la construction de fausses pistes crédibles. Je leur invente plus que ce qui ressort dans le roman. Ils existent peu à peu. Je fais également des repérages de lieux. J’adore mes Pyrénées et c’est un prétexte à cheminer, à faire des clichés, des croquis, à prendre des notes dans mes petits carnets noirs. Quand tout ce matériau (non définitif car il s’enrichit chemin faisant) est assez riche, je me lance dans l’écriture et je suis dur à arrêter...
Des romanciers écrivent leur roman sur plusieurs mois ou années, d'autres en quelques semaines. On se souvient de Georges Simenon qui écrivait chaque roman en 21 jours... Et vous, de quel côté vous situez-vous ?
Je suis plutôt Simenon. Grosse prépa puis écriture rapide… Quand le roman est terminé, je le laisse reposer. À la relecture, les défauts apparaissent et tout le travail consiste à le transformer. Nouvelle pause, puis, encore une réécriture. ce cycle se produit jusqu’à ce que j’arrive à un équilibre satisfaisant.
Depuis que l'on se connaît vous avez une actualité littéraire très chargée. Comment s'annonce cette fin d'année 2021 ?
Je suis au milieu de l’écriture d’un roman policier historique avec mes personnages de l’Assassinat de Saint-Béat et Guet-apens à Saint-Gaudens. Je ne le sortirai certainement qu’en février.Le troisième enquête de Blandine Pujol sera terminée au printemps et j’espère une sortie en septembre prochain. Entre temps, je vais rencontrer le public des lecteurs dans des salons et des librairies tout au long de la chaîne des Pyrénées, et certainement près de la méditerranée où mes livres reçoivent un bel accueil. Je communique les dates et les lieux de ces rencontres sur mes diverses pages FaceBook.
Dernière question. Quand vous êtes en mode écriture, comment cela se passe t-il ? Vous avez besoin d'un environnement particulier ? Quels sont vos moments privilégiés pour écrire ? Vous avez une "routine" d'écriture ? Des rituels ?
J’ai plusieurs lieux d’écriture. Mon bureau est utile lorsque je suis en recherche. Je suis environné de documents. J’écris aussi dans ma grange perdue au milieu d’une forêt en montagne, dans la Barousse. J’aime aussi beaucoup écrire dans mon chalet de bois sur les collines face aux Pyrénées. Ces ambiances stimulent mon imaginaire. J’ai aimé, avant le Covid, écrire au Portugal, et plus particulièrement à Porto, à l’embouchure du Duro, sur la terrasse de l’Hôtel Boavista sur la falaise face à l’océan, ainsi que dans le petit bistrot sur la plage, au niveau des rouleaux tumultueux. Depuis que je ne suis plus professeur en exercice mais en retraite, j’écris le jour. Le matin, l’histoire se tisse de mots en phrases. L’après-midi, je corrige. Puis, je réponds au courrier des lecteurs, je consulte les messages sur les réseaux sociaux, je poste des informations à cette sympathique communauté qui me le rend bien. Je commence toujours la phase d’écriture par un bon café serré. Une pause à mi écriture pour un nouveau café.
L'agenda de Christian Louis
Prochaines dates :
- Samedi 18 septembre : Salon du Livre de Vic en Bigorre
- Jeudi 23 septembre : Librairie presse Gilles Dumas à Saint-Gaudens (le matin)
- Vendredi 24 septembre : Saint-Bertrand de Comminges- Les Olivetains (l’après-midi)
- Samedi 25 septembre : Salon du polar de Fleurante du Gers
- Samedi 2 et dimanche 3 octobre : Salon du livre pyrénéen de Bagnères-de-Bigorre.
- Samedi 9 octobre : Aspet Librairie Presse Alain Roques.
Les autres dates à suivre sur la page Facebook de Christian Louis (ici)