Guerre d'Algérie : Roselyne Bachelot annonce l'ouverture des archives... avec 15 ans d'avance
Ce vendredi, sur BFM-TV, Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, a annoncé qu’elle allait ouvrir « avec 15 ans d’avance les archives sur les enquêtes judiciaires de gendarmerie et de police qui ont rapport avec la Guerre d’Algérie ».
Une ouverture qui intervient alors que l’an prochain on commémorera les 60 ans de la fin de cette "guerre sans nom" et de l’indépendance de l’Algérie.
Je veux que sur cette question - qui est troublante, irritante, où il y a des falsificateurs de l’histoire à l’œuvre - je veux qu’on puisse la regarder en face. On ne construit pas un roman national sur un mensonge. C’est la falsification qui amène toutes les errances, tous les troubles et toutes les haines. A partir du moment où les faits sont sur la table, où ils sont reconnus, où ils sont analysés, c’est à partir de ce moment-là qu’on peut construire une autre histoire, une réconciliation.
Guerre d'Algérie: Roselyne Bachelot (@R_Bachelot) annonce qu'elle ouvre "avec 15 ans d'avance" les archives sur les enquêtes judiciaires pic.twitter.com/RGEtCXyfmC
— BFMTV (@BFMTV) December 10, 2021
Le rapport de Benjamin Stora
En janvier 2020, l’historien Benjamin Stora avait remis un rapport au président de la République, Emmanuel Macron, où il détaillait , soixante ans après, les conséquences de la guerre d’Algérie dans la société française.
Voici ci-après les recommandations principales émises par l'historien, grand spécialiste de la Guerre d'Algérie. (Source Huffington Post)
1. La constitution d’une Commission ‘Mémoires et vérité’ chargée d’impulser des initiatives communes entre la France et l’Algérie sur les questions de mémoires (commémorations, recueil de témoignages etc.)
2. Ajout d’un paragraphe dans le décret 2003-925 du 26 septembre 2003, spécialement dédié au souvenir et à l’œuvre des femmes et des hommes qui ont vécu dans des territoires autrefois français et qui ont cru devoir les quitter à la suite de leur accession à la souveraineté.
3. La construction d’une stèle, à Amboise, montrant le portrait de l’Emir Abdelkader, au moment du 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie en 2022. Restitution de l’épée d’Abdelkader à l’Algérie.
4. La reconnaissance par la France de l’assassinat de Ali Boumendjel, avocat, ami de René Capitant, dirigeant politique du nationalisme algérien, assassiné pendant “la Bataille d’Alger” de 1957.
5. La publication d’un “Guide des disparus” de la guerre d’Algérie, disparus algériens et européens.
6. Identification des emplacements où furent inhumés les condamnés à mort exécutés pendant la guerre.
7. Poursuite du travail conjoint concernant les lieux des essais nucléaires en Algérie et leurs conséquences ainsi que la pause des mines aux frontières.
8. Achèvement des travaux du comité mixte d’experts scientifiques algériens et français chargés d’étudier les restes humains de combattants algériens du XIXème siècle conservés au Muséum national d’Histoire naturelle.
9. Voir avec les autorités algériennes la possibilité de facilité de déplacement des harkis et de leurs enfants entre la France et l’Algérie.
10. Mise en place d’une commission mixte d’historiens français, et algériens, pour faire la lumière sur les enlèvements et assassinats d’Européens à Oran en juillet 1962.
11. Faire des quatre camps d’internement situés sur le territoire français des lieux de mémoire.
12. Encourager la préservation des cimetières européens en Algérie ainsi que les cimetières juifs. Financer l’entretien des tombes des soldats algériens musulmans “morts pour la France” entre 1954 et 1962 et enterrés en Algérie.
13. Reprise des travaux du groupe de travail conjoint sur les archives, constitué en 2013 à la suite de la visite du Président de la République en 2012.
14. Accès réciproque aux archives algériennes et françaises pour les historiens des deux pays afin de montrer la volonté de transparence du passé commun.
15. Augmentation de la durée du visa pour les chercheurs et facilitation des allers-retours entre les deux pays.
16. Favoriser la diffusion des travaux des historiens par la création d’une collection “franco-algérienne” dans une grande maison d’édition.
17. Création d’un fonds permettant la traduction du français vers l’arabe, et de l’arabe vers le français, d’œuvres littéraires, et à caractère historique.
18. Accorder, dans les programmes scolaires, plus de place à l’histoire de la France en Algérie. À côté d’une avancée récente - ne plus traiter de la guerre sans parler de la colonisation -, il convient de généraliser cet enseignement à l’ensemble des élèves (y compris dans les lycées professionnels).
19. Mise en place d’un Office Franco-Algérien de la Jeunesse, chargé principalement d’impulser les œuvres de jeunes créateurs.
20. Réactivation du projet de Musée de l’histoire de la France et de l’Algérie, prévu à Montpellier et abandonné en 2014.
21. Donner à des rues des noms de Français particulièrement méritants issus de territoires antérieurement placés sous la souveraineté de la France.
22. L’organisation, en 2021, d’un colloque international dédié au refus de la guerre d’Algérie par certaines grandes personnalités comme François Mauriac, Raymond Aron, Jean-Paul Sartre, André Mandouze, Paul Ricoeur.
23. L’organisation en 2021 d’une exposition au Musée national de l’histoire de l’immigration, ou d’un colloque, sur les indépendances africaines.
24. L’entrée au Panthéon de Gisèle Halimi, grande figure féminine d’opposition à la guerre d’Algérie.
25. Création d’une commission franco-algérienne d’historiens chargée d’établir l’historique du canon “Bab Merzoug” ou “La Consulaire”, et de formuler des propositions partagées quant à son avenir.