Suicide collectif d'une famille française en Suisse : les soeurs étaient les petites-filles de l'écrivain Mouloud Feraoun, assassiné par l'OAS pendant la Guerre d'Algérie
Jeudi dernier, cinq membres d'une même famille française se sont jetés d'un balcon du 7ème étage d'un immeuble, en face du Casino de Montreux, en Suisse. Quatre d'entre eux sont morts sur le coup, après une chute d'une vingtaine de mètres : le père de famille, âgé de 40 ans, son épouse de 41 ans, la soeur jumelle de cette dernière, la fille du couple, âgée de 8 ans. Le fils aîné du couple, un adolescent de 15 ans, est le survivant de ce drame familial. Il est toujours hospitalisé dans un hôpital suisse, dans un état très grave (lire ici).
Selon un communiqué de la police du canton de Vaud (voir ci-après), les membres de la famille auraient sauté, les uns après les autres, dans le vide. Un escabeau a été retrouvé sur le balcon par les enquêteurs et aucune trace de lutte n'a été décelée.
Toujours selon ce communiqué, "avant ou pendant les faits, aucun témoin, y compris les deux gendarmes présents sur place dès 6h15 et les passants se trouvant au bas de l’immeuble, n’a entendu le moindre bruit ou cri en provenance de l’appartement ou du balcon".
La piste d'un suicide collectif est sérieusement envisagée par les enquêteurs. Une famille qui vivait en quasi-autarcie, "dans un bunker", retirée de la société et qui depuis le début de la pandémie du Covid-19 s'intéressait de près aux "thèses complotistes et survivalistes".
Selon le "JDD", le père de famille était sorti dans les premiers de sa promo de l'Ecole Polytechnique de Paris et les deux soeurs étaient médecins (ophtalmologue et dentiste).
Fait troublant
Quelques jours avant ce drame, Emmanuel Macron, président de la République avait honoré la mémoire du grand écrivain algérien, Mouloud Feraoun, instituteur humaniste, qui avait été lâchement assassiné, sur les hauteurs d'Alger, par un commando Delta des extrémistes de droite de l'OAS, partisans de l'Algérie française, le 15 mars 1962, il y a tout juste 60 ans, avec cinq autres inspecteurs des Centres sociaux, créés par la résistance Germaine Tillon. L'ambassadeur de France avait déposé une gerbe de fleurs à Alger sur une stèle érigée en sa mémoire.
Or, les soeurs jumelles, Nasrine et Narjisse, victimes de la chute de jeudi dernier, étaient les petites-filles de l'écrivain kabyle, Mouloud Feraoun, a révélé, dimanche le "JDD".
Les enquêteurs espèrent pouvoir connaître le déroulement de cette matinée tragique du 24 mars 2022, en auditionnant Alan, l'adolescent survivant de ce drame, quand il sera en mesure de le faire... Un adolescent toujours dans le coma.
Pour rappel, Mouloud Feraoun était un proche d'Albert Camus avec lequel il avait entretenu de longues discussions épistolaires. Il est connu pour sa trilogie "Le Fils du pauvre" (1950), "La Terre et le sang" (1953) et "Les Chemins qui montent" (1957) ainsi que par son "Journal" des années de guerre (1955-1962).
Communiqué de presse de la police du canton de Vaud (29 mars)
Drame familial à Montreux : la thèse du suicide collectif est privilégiée
"L’enquête menée à la suite du drame survenu à Montreux le jeudi 24 mars, permet d’écarter l’intervention d’un tiers et laisse supposer que toutes les victimes ont sauté du balcon les unes après les autres. La famille vivait retirée de la société et devait craindre que l’autorité vienne s’immiscer dans leur mode de vie. Le fils est toujours hospitalisé, actuellement dans le coma.
Au terme de cinq jours d’enquête, à la suite du drame du jeudi 24 mars 2022 peu avant 07h00, la piste du suicide collectif est privilégiée par le procureur et les enquêteurs de la Police cantonale. A ce stade de l’enquête, les investigations techniques ne montrent aucun signe avant-coureur d’un tel passage à l’acte. Depuis le début de la pandémie, la famille était très intéressée par les thèses complotistes et survivalistes. Elle avait constitué un stock impressionnant de vivres en tout genre, très bien organisé, occupant la majeure partie des différentes pièces de l’appartement, devant lui permettre de faire face à une crise majeure. La famille vivait en quasi-autarcie, retirée de la société. Seule la sœur jumelle de la maman travaillait à l’extérieur du domicile. Ni la maman, ni la fillette de 8 ans n’étaient inscrites officiellement au contrôle des habitants, ce qui explique l’absence de scolarisation de cette enfant. Ces deux personnes avaient été annoncées partantes pour le Maroc en avril 2016, elles n’étaient pas censées vivre à Montreux. Quant au fils aîné, c’est sa scolarisation à domicile qui était précisément à l’origine de la procédure préfectorale dans le cadre de laquelle les policiers se sont présentés à l’appartement. L’ensemble de ces éléments suggère, chez les membres de cette famille, la crainte d’une immixtion de l’autorité dans leur vie.
Les investigations menées permettent d’exclure l’intervention d’un tiers. Les cinq personnes sont tombées d’une hauteur de plus de vingt mètres, les unes après les autres, peu avant 07h00, dans un intervalle de cinq minutes. Avant ou pendant les faits, aucun témoin, y compris les deux gendarmes présents sur place dès 06h15 et les passants se trouvant au bas de l’immeuble, n’a entendu le moindre bruit ou cri en provenance de l’appartement ou du balcon. Les policiers ont découvert un escabeau sur le balcon et aucune trace de lutte n’a été mise en évidence.
Les deux gendarmes qui sont intervenus dans l’immeuble de la rue du Casino pour exécuter un mandat d’amener en lien avec la scolarisation à domicile du fils de 15 ans, ont sonné à la porte et se sont annoncés. Faute de pouvoir entrer, ils sont, après avoir attendu quelques minutes et conformément aux règles applicables, repartis sans avoir pu mener à bien leur mission.
Toutes les victimes ont été formellement identifiées comme étant les membres d’une même famille de ressortissants français : le père de 40 ans, son épouse de 41 ans, la sœur jumelle de celle-ci et la fille du couple, âgée de 8 ans, toutes ces quatre personnes étant décédées. Le fils, de 15 ans, est toujours hospitalisé, actuellement dans le coma, son état est stable."