Luchon : deux ans après son élection à la mairie, Eric Azémar répond à mes questions
Elu au premier tour de l'élection municipale le 15 mars 2020, en pleine crise sanitaire du Coronavirus, Eric Azémar ne s'était installé dans la fauteuil de maire de Luchon que le 23 mai suivant, dans un contexte particulièrement difficile. Deux ans après son élection, Eric Azémar répond à mes questions mais aussi à celles de quatre de mes lectrices/lecteurs.
Avant de commencer cet entretien, nous savons que vous avez été absent quelques jours pour des raisons de santé. Comment vous portez-vous ?
Je vous remercie de l’intérêt que vous portez à ma santé. J’ai en effet subi une petite opération chirurgicale et après quelques jours de repos, je reviens en pleine forme. Il est sain que les Luchonnais aient une information correcte à ce sujet.
Il y a deux ans, vous étiez élu "officiellement" maire de Luchon... en pleine période de crise sanitaire de la Covid-19. Il faut avouer que ce n'était pas la meilleure façon d'entamer un mandat de maire. Avec le recul, comment avez-vous vécu cette période d'installation aux commandes de la ville ?
Deux ans déjà en effet, il est temps de faire une évaluation de cette période mais aussi de préparer les évolutions à venir !
Avec l’équipe que j’ai constituée, nous avons repris une situation préoccupante, tous les luchonnais en avaient bien conscience et c’est pour la redresser que mon équipe a été élue : baisse de fréquentation thermale (5.000 curistes de moins en 10 ans), baisse de population de la ville (10% en 6 ans), faillite de Luchon Forme et Bien Être, fermeture du Casino, fermeture, faute d’entretien de la piscine d’été Alban Rougé et de la piscine couverte à Chambert…
Bien sûr la crise Covid, que personne n’avait pu anticiper, a considérablement restreint et contraint nos actions et nos possibilités. Elle a surtout couté 4 millions d’euros aux finances de la ville car il nous a fallu combler les déficits de l’établissement thermal en 2020 et 2021. Il faudra probablement aussi le faire pour 2022.
J’ai donc commencé par nettoyer les décombres et prendre connaissance de la pleine réalité des dossiers et des problèmes. Cela peut paraître anecdotique mais je pense que c’est révélateur de ce que nous avons trouvé : une bonne partie du deuxième étage de la mairie a dû être évacuée car les planchers menaçaient de s’écrouler……les travaux de rénovation sont en cours.
De la même façon, pour des questions de sécurité, nous avons été contraints de fermer le musée de Luchon : il est interdit au public.
La partie des thermes Chambert qui n’est pas reprise par le futur exploitant des Thermes (la partie qui est à droite du hall Chambert) est véritablement en ruine !
Le premier étage du Casino est aussi en ruine…..
Malgré tout cela, notre équipe peut être fière du travail accompli, même si tout n’est pas encore visible par les Luchonnais. Il nous a fallu du courage, de l’énergie et surtout de l’engagement et du travail.
L’engagement de notre équipe pour Luchon est de 6 ans, nous respecterons cet engagement et nous irons jusqu’au bout, chacun doit être à sa place et pleinement à sa place. Bien sûr, nous resterons au-dessus de la complexité et de la confrontation idéologique des partis politiques.
Je ne peux ici oublier de remercier les agents municipaux pour le travail accompli et leur implication dans cette tâche de redressement.
Vous avez été élu, avec votre équipe, sur un programme pour redonner une nouvelle dimension à la cité thermale... "en déclin" selon de nombreux observateurs. La priorité de votre action concernait les Thermes. Mission accomplie alors ?
Oui, c’était la priorité absolue, sans les Thermes, Luchon et son pays, ne peuvent pas vivre. C’est pour cela que nous demandions depuis 2015 que l’établissement thermal passe d’une gestion municipale à une gestion privée. La démarche a été enfin initiée par la municipalité précédente en 2019, en fin de mandat. Nous avons repris ce dossier comme nous l’avons trouvé en 2020 et nous l’avons amélioré autant qu’il nous a été possible de le faire. Nous avons, en particulier, obtenu que la dette des Thermes soit effacée par l’obtention d’un "droit d’entrée" de 3.5 millions d’euros payé à la ville de Luchon par le repreneur. La crise Covid et les contraintes administratives ont ensuite retardé la signature qui a eu lieu en février de cette année.
Comme les Luchonnais peuvent le constater les travaux de rénovation et d’extension ont débuté. Tout est fait pour minimiser la gêne causée aux curistes et pour que le nouvel établissement thermal de Luchon soit prêt en 2024. Rappelons encore que l’investissement total dans les Thermes de Luchon est de 35 millions d’euros !
L’établissement thermal reste en gestion municipale toute l’année 2022, nous passerons le 1er janvier prochain le relai au groupe Arenadour, l’exploitant privé qui a été retenu pour gérer nos thermes pour les 30 ans à venir. La signature du contrat n’est pas la fin du travail sur ce gros projet ! Toute l’année 2022 est et sera consacrée à des réunions de travail et de concertation avec le groupe Arenadour afin de préparer au mieux cette transition et surtout de s’assurer que le chantier des travaux de rénovation respecte le planning prévu. Le volet social mobilisera aussi le reste de l’année 2022.
Pouvez-vous nous donner un bilan des premières actions menées par votre équipe à Luchon au cours de ces deux premières années de mandat ?
Le bilan qui mérite d’être détaillé davantage peut se résumer au suivant :
Conclusion et signature du contrat de DSP des Thermes, reprise en main du Centre Equestre, reprise du Golf en régie municipale, réorganisation du travail à la Maison de retraite Era Caso, nouvelle ambition pour le Festival du film, réorganisation du travail à la mairie, réouverture du théâtre de Luchon, nettoyage et début du réaménagement du lac de Badech, réouverture pérenne de la guinguette du lac, réfections de voiries, permis d’aménager pour la future maison de santé, feu vert des autorités pour la réfection du portail de l’église, solution des problèmes de fonctionnement et de sécurité pour la réouverture en juin de l’Hospice de France, réflexion en cours sur le devenir de l’arboretum de Joueou, relance des forages de recherche pour l’eau minérale de Luchon, définition d’un schéma directeur Urbain qui prévoit les travaux de rénovation de la ville liés à la mobilité pour les 10 prochaines années (avec en particulier la rénovation totale de l’allée d’Etigny) ; et malgré les restrictions sanitaires nous avons fait le maximum pour assurer l’animation de la ville. Je ferai prochainement la liste de toutes les animations qui sont prévues cet été, cet automne et cet hiver, pour Luchon.
Je précise ici que j’assume le choix de ne pas installer cet été une piscine éphémère à Luchon car le coût en est démesuré : on parle de plus de 250.000 euros pour deux mois d’ouverture ! Je comprends bien cependant le manque que cela représente pour les luchonnais mais nous nous heurtons malheureusement au principe de réalité des finances de la ville et de l’état des équipements publics que nous avons trouvés et qu’il nous faut rénover dans l’urgence !
Au registre du développement durable et de la transition énergétique trois dossiers ont été ouverts sur les thèmes de l’alimentation, des transports et de l’énergie.
A l’initiative de l’adjoint à l’Écologie et au Développement durable, la municipalité de Luchon, lauréate d’un Appel à Projet de l’ADEME, s’est vu accorder une subvention de 95.000€ pour étudier la faisabilité d’un écopole alimentaire (légumerie + salle de découpe dans un 1er temps) afin d’approvisionner les 3 unités de restauration collective implantées sur la commune, à savoir, l’hôpital, le groupe scolaire et l’EHPAD "Era Caso" servant 1500 repas/jour, en produits locaux et bio. Ce projet à terme devrait voir la création d’une dizaine d’emplois pérennes à Luchon.
Concernant les transports, dans le cadre du Schéma Directeur Urbain, il a été demandé une étude sur la mobilité bas-carbone et la mise à disposition de vélos à assistance électrique (VAE) à différents points de la ville pour une utilisation intra-urbaine.
Quant à l’énergie, un audit est en cours de l’ensemble des bâtiments municipaux afin d’optimiser la gestion de la consommation d’électricité et d’eau pour, à terme, réduire l’incidence de ces postes sur le budget de la ville…
Après ces deux ans de travail, je pense qu’on peut véritablement être optimiste sur les capacités de Luchon à retrouver sa place de leader dans notre économie locale. La situation réelle de Luchon est désormais bien connue de l’Etat et des collectivités locales. La volonté de tous est bien là pour remettre Luchon et son pays au niveau qu’il n’aurait jamais du quitter.
Et quels sont les projets qui vont occuper les prochaines années de votre mandat ?
La piscine ou les piscines de Luchon sont véritablement la priorité. La rénovation du bassin extérieur Alban Rougé ne règle pas le problème de la piscine couverte, tant nécessaire pour l’hiver que pour l’apprentissage obligatoire de la natation pour nos élèves du primaire.
Le dossier doit donc être remis sur la table, d’autant que le financement de ce projet (investissement d’abord puis frais et déficit de fonctionnement annuels ensuite, estimés à plusieurs centaines de milliers d’euros) est véritablement problématique : les finances de la seule ville de Luchon ne permettent pas de l’envisager. Si on veut retrouver une piscine à Luchon, le projet ne pourra être qu’intercommunal. Tout reste à faire à ce niveau.
Avec les différents acteurs concernés, Il faut avancer vite sur ce dossier primordial pour le bien-être de la population et l’attractivité de Luchon.
Plus globalement, il faut travailler sur l’emploi à Luchon : ce n’est que grâce à une augmentation de l’emploi local que nous arrêterons la baisse de population de la ville et que nous repartirons à la hausse. Il faut retrouver à Luchon et dans son pays un pourcentage plus élevé de résidences principales, nous assurerons ainsi un avenir aux commerces de proximité et à nos écoles.
L’arrivée très prochaine de la fibre à Luchon (2023) est aussi un élément très important pour le dynamisme économique de la ville.
Cela passe bien-sûr et d’abord par un renouveau total de notre établissement thermal : je rappelle que 100 curistes génèrent 6 emplois directs ou indirects. Les objectifs ambitieux de fréquentation du nouveau centre de Bien Être et des nouveaux thermes permettent d’être optimiste à ce sujet.
Il faut aussi travailler à l’attractivité de notre beau pays de montagne. Le triathlon de Luchon de ce week-end et l’Aneto Trail en font désormais partie.
Le retour du train à Luchon (porté par la Région Occitanie) sera aussi très positif pour notre économie. Le nouvel "ascenseur valléen" et le réaménagement du plateau de Superbagnères (portés principalement par le Conseil Départemental 31) sont aussi fondamentaux pour la renaissance de notre pays.
On constate déjà un renouveau immobilier à Luchon (tant dans la rénovation de bâtiments anciens que dans la construction), je reste persuadé que ce nouveau dynamisme de Luchon, même s’il n’en est qu’à son début, permettra d’envisager une réflexion aboutie sur le devenir de notre casino….
Je ne veux pas oublier les Comités de Quartier : c’était une promesse de notre programme, la crise n’a pas permis d’aller vite sur ce dossier mais ils verront le jour sous peu.
Enfin, l’ouverture de la future Maison de Santé et l’arrivée à Luchon de nouveaux médecins sont des éléments clés pour ce renouveau tant attendu. Pour ce projet central pour la vie des luchonnais, la mairie apporte le terrain à bâtir et se charge des frais du permis d’aménager, la Communauté de Communes y construira le futur bâtiment.
Je souhaite ici, encore, remercier l’Etat et toutes les collectivités publiques (Région, Département, Communauté de Communes, Pays Comminges-Pyrénées) pour leur engagement et leur soutien sans faille.
Il faut donc investir pour l’avenir, avoir une ambition certaine et mesurée pour notre territoire tout en assurant la gestion du quotidien.
Quelle est la situation financière de la ville ?
Le conseil municipal du mois d’avril a été consacré aux différents budgets de la ville. Le conseil municipal du 7 juin dernier a légèrement modifié, en améliorant le budget principal.
Globalement la situation financière de la ville est meilleure cette année que celle de l’année dernière. Elle reste cependant préoccupante car pour 2022 :
- nous devons assumer notre part d’investissement dans la rénovation des thermes : 1,25 million d’euros,
- nous devons absorber le déficit que laisse Luchon Forme et Bien Être (400.000 euros),
- nous devons prévoir le remboursement de la ligne de trésorerie des thermes (800.000 euros),
- nous devons (et pour 4 ans encore) absorber chaque année dans nos comptes 600.000 euros pour rembourser les déficits des Thermes de 2020 et 2021,
- nous devons financer plus de 300.000 euros pour la rénovation obligatoire des réseaux souterrains sur le parvis des thermes, travaux qui ne font pas partie de ceux qui sont financés par la DSP.
Pour 2023, la masse salariale de la mairie augmentera de près de 500.000 euros (par réintégration des personnels des Thermes qui souhaitent revenir en mairie et non continuer leur mission aux thermes sous la responsabilité du privé), il faudra aussi engager 1,2 million d’euros pour la rénovation de la voirie de l’avenue Galliéni et plus de 300.000 euros pour la rénovation obligatoire des réseaux souterrains sur le parvis des Thermes qui ne font pas partie des travaux pris en charge par la DSP.
Au niveau de l’endettement, la reprise des thermes permettra de diminuer la dette globale de 3 millions d’euros mais en entretemps il aura fallu emprunter presque autant.
Questions des lecteurs/lectrices de mon blog au maire de Luchon :
Nicolas : Avez-vous l'intention de moderniser la Fête des Fleurs ?
Les contraintes sanitaires de la crise Covid n’ont pas permis d’organiser une "vraie" Fête des Fleurs depuis 2020. Cette année encore, les travaux importants des Thermes ne permettent pas la circulation des chars dans cette zone, nous aurons donc encore une fête des fleurs statique mais qui sera belle.
Ceci dit, beaucoup de luchonnais et de visiteurs pensent qu’en effet, il faut donner un "coup de jeune" à cette fête sans la dénaturer. C’est une belle réflexion et de beaux débats en perspective !
Hélène : Pensez-vous pouvoir présenter "sincèrement" d'ici la fin de votre mandat le plan d'investissement, afin d'afficher clairement ce qui pourra être fait et surtout ce qui ne pourra pas l'être ?
Ce plan d’investissements pluriannuel (PPI) est presque obligatoire pour une bonne et nécessaire visibilité et anticipation des investissements à mettre en œuvre.
Je ne crois pas d’ailleurs qu’il y ait déjà eu un tel PPI à Luchon !
Lors du débat d’orientation budgétaire que nous avons organisé en mars avec tous les conseillers municipaux, nous nous sommes engagés à faire ce PPI. Nous nous y sommes aussi engagés envers Monsieur le Préfet de Région.
Vous aurez compris qu’une partie de ce plan comprendra notre participation pour la construction de la future piscine de Luchon. Il est trop tôt pour cerner ce montant à notre charge.
Ce PPI incorporera les travaux d’urbanisme décrits dans le schéma directeur Urbain et qui s’étalent sur 10 ans pour plus de 15 millions d’euros. Il comprendra aussi les travaux de rénovation de la maison de retraite, d’accessibilité des bâtiments publics pour les personnes à mobilité réduite, de recherche d’eau minérale….
Tout ceci est listé en dépenses et est en cours de recherche de financeurs.
J’espère que nous pourrons vous présenter ce PPI d’ici la fin de l’année.
Robert : Beaucoup de communes annoncent une augmentation de la fiscalité notamment de la taxe foncière. Est-il prévu à Luchon une telle évolution qui pénaliserait encore plus les résidences secondaires qui doivent encore régler la taxe d'habitation ?
La réponse est simple et sincère : toute augmentation des taux de taxe foncière à Luchon est inenvisageable ! Nous avons déjà les taux de taxe foncière les plus élevés du département !
Hélène : On ne parle plus de l'Eau de Luchon en bouteille ? Pouvez-vous nous donner des informations ?
Voici maintenant 4 ans que l’eau minérale de Luchon n’est plus commercialisée. Cela fait partie des "problèmes" que nous avons trouvés en arrivant. Je ne m’étendrai pas sur les raisons de cet arrêt de production d’eau minérale de Luchon. La ville perd ainsi un revenu important (plus de 300.000 euros par an) sans parler de la perte d’image que cela représente pour Luchon sur tout le territoire national.
En 2021, trois forages ont été faits pour retrouver un griffon d’eau minérale à 100 mètres de profondeur, pour en garantir la pureté bactériologique. Malheureusement, ils ont été infructueux.
Pour 2022, une nouvelle série de forages est prévue et budgétisée (pour 200.000 euros). A ce stade, il reste des points administratifs à régler et tout le monde a l’espoir que les recherches seront enfin fructueuses.