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05 May

Rencontre avec l'auteur Christian Louis : "les Pyrénées sont, aujourd'hui, mon lieu d’écriture privilégié"

Publié par Paul Tian  - Catégories :  #littérature, #roman, #Christian Louis, #Pyrénées, #Comminges, #Luchonnais, #polar, #culture, #LeGrandEntretien

(Photo © Jean-Paul Chambrillon)

(Photo © Jean-Paul Chambrillon)

Donc les 3 volumes de "L'assassinat de Saint-Béat" sont en voie d'épuisement… et ne seront pas réimprimés. Quel succès Christian ! À faire pâlir de jalousie certains auteurs “germanopratin” que l'on peut voir dans tous les médias et qui squattent les plateaux TV… et ne vendent (pour certains) que des "cacahuètes", côté tirages 😉 En tout cas c'est ce que me disent assez souvent mes amis libraires… provinciaux.

Certes, les ventes de mes romans sont importantes. Mais je constate que les lecteurs me disent prêter mes romans autour d'eux. Ils sont régulièrement empruntés dans nombre de médiathèques avec une liste d'attente pour certaines. J'en suis très heureux. L'un d'eux, d'ailleurs, vient d'être piraté sur un site, au côté d'auteurs prestigieux. Tout ceci m'amuse et me motive pour écrire encore.

La question que vous posez, est celle de la diffusion. Le même roman peut trouver un large public ou rester ignoré. Cela dépend de la stratégie de communication de l'éditeur et du choix du libraire qui peut le présenter sur sa tranche, ou de face sur une table ou "muralement". Le volume des ventes est alors très différent. Mon éditeur installe des présentoirs dans les grandes surfaces. Certaine fêtent la sortie de mes nouveautés en tête de gondole. Ceci joue, bien évidemment. Les lecteurs entrent en jeu également, lorsqu'ils commandent mes romans. Certains ont tout lu de moi. J'en suis impressionné. 

Vous vous attendiez à un tel succès en publiant le premier volume "La rivière de la discorde" ?

Absolument pas. Trois importants éditeurs souhaitaient les publier, mais uniquement le tome I, attendant de savoir s’il rencontrait le public avant de sortir le 2, et éventuellement le 3. J’ai refusé, ayant connaissance d’auteurs à qui l’aventure de la seule publication du premier tome avait laissé un goût amer, ainsi qu’à leurs lecteurs frustrés. En outre, les trois volets sont complémentaires. J’ai donc décidé de les produire moi-même comme cela commence à se faire de plus en plus dans un milieu de l’édition en mutation. Ils ont rencontré un succès immédiat qui ne s’est pas éteint.

Mais cela m’occupe bien trop de temps et je ne souhaite pas procéder à une sixième réédition pour me concentrer uniquement sur l’écriture. Le métier d’éditeur et de diffuseur est trop chronophage.

L’annonce de la fin de ces publications a provoqué un changement de choix d’un éditeur qui souhaite maintenant republier les 3, ainsi qu’un autre avec qui des négociations sont ouvertes pour une nouvelle version à venir.

Revenons donc maintenant à votre actualité littéraire avec votre dernier né "Nuages sur les cimes". Pouvez-vous en parler aux lectrices et lecteurs de mon blog ?

Comme pour les précédents, j’utilise le canal du polar pour traiter de questions sociales et culturelles plus larges que la simple résolution d’un crime. J’aborde dans ce roman la thématique des écologies, évoquant le spectre très large de sa version douce jusqu’à celle plus violente. Mon récit rencontre aussi la question de la laïcité, et celle des dérives conspirationnistes. Les théories du complot ne sont pas nouvelles mais aujourd’hui, elles prennent la place des croyances traditionnelles et de la science pour devenir une sorte de religion alternative multiforme, hybridation spectaculaire du recyclage d’un fatras qui peut sembler risible pour qui prend du recul, mais qui devient un corpus de dogmes impossible à discuter. Ce glissement culturel est passionnant à observer, un peu dérangeant tout de même, et en tout cas producteur d’un matériau fictionnel inépuisable.

Les Pyrénées toujours au centre de vos romans ?

Je continue à utiliser le paysage que j’aime, que je parcours quotidiennement, qui est mon lieu d’écriture privilégié maintenant. Les Pyrénées sont riches d’histoires, de légendes, de sites qui alternent le grandiose spectaculaire et l’intime. Après avoir parcouru le monde, j’ai décidé de ne plus prendre l’avion, de ne plus aller chercher très loin ce qui est à ma périphérie et que je ne voyais pas.

J’ai inauguré pour moi-même un tourisme de proximité. Je suis loin d’avoir exploré toutes les vallées, d’avoir visité tous les villages, tous les châteaux, tous les sites archéologiques ou historiques. J’habite sur un trésor inépuisable qui m’offre la possibilité de l’écriture, qui sublime ma créativité, qui me suggère des fictions. Il suffit de se planter avec son carnet sur la place d’un village, d’entendre les cloches sonner, l’eau de la fontaine couler, les brebis bêler, de découvrir la beauté d’une porte de bois, d’une serrure ouvragée, des écailles d’un toit d’ardoise, de sentir la fumée de la cheminée, l’odeur de la paille… Et alors, les mots surgissent, les phrases coulent comme l’eau d’un torrent. Il suffit d’y puiser le nécessaire et le roman se construit dans le plaisir de la poésie en prose.

Comme je sais que vous avez toujours en route plusieurs projets, vous pouvez nous en dire deux mots ?

J’écris toujours plusieurs textes en parallèle. Le roman historique demande beaucoup de recherches. Il s’écrit donc plus lentement, au gré des trouvailles d’archive. Le polar lui, est la descente en canoë d’un torrent. Rien ne l’arrête, depuis le démarrage. Ce sont donc deux rythmes, deux temporalités, deux énergies différentes qui cheminent côte à côte. Leur coexistence n’est pas pour moi un frein mais plutôt un accélérateur, la mise en œuvre d’une synergie. Le fort décalage dans le temps des histoires, entre le 18e et aujourd’hui m’aide à ne pas entremêler les deux. Au fond, il s’agit pour moi d’un jeu intellectuel très amusant.

Je ne peux, bien sûr pas dévoiler les deux sujets sur lequel j’écris, sauf à dire que l’historique se situe encore au XVIIIe siècle avec mon personnage récurent, l’ingénieur des Ponts et Chaussées de Saint-Gaudens Jean-Baptiste Cathérinot dont j’ai trouvé encore des écrits manuscrits originaux à la Bibliothèque nationale de France. Le polar lui, va me permettre d’éclairer quelques affaires judiciaires réelles de ces dernières années en Comminges. Des surprises attendent le lecteur…

Vous poursuivez toujours vos rencontres avec vos lectrices/lecteurs à travers les dédicaces, salons littéraires et médiathèques… Ce sont de beaux moments pour vous d'être face à celles et ceux pour qui vous écrivez aussi ?

J’ai la chance d’avoir un lectorat très large et constitué d’un public bienveillant qui me transmet son bonheur de plonger dans mes histoires. Par courriel ou en direct, ils me disent leur satisfaction et me demandent souvent quand sort le suivant. Certes, on écrit d’abord pour soi, mais aussi pour le plaisir que l’on peut procurer aux autres.

Les rencontres lors des conférences, dans les salons du livre ou lors d’interventions en milieu scolaire, lycéen, et clubs culturels divers sont toujours des moments privilégiés. L’auteur quitte sa tour pour rencontrer le monde.

Ce contraste entre solitude de l’écriture et immersion sociale est très fécond, dans ce va-et-vient entre l’absorption des pulsions de la société et leur restitution en récits. Je découvre régulièrement des lecteurs qui connaissent mes romans dans les moindres détails, souvent presque mieux que moi qui doit oublier pour passer à la suite.

J’entends des lecteurs qui me parlent de mes personnages comme s’ils étaient réels, qui me demandent leur destin dans le prochain roman, qui veulent savoir ce que devient lui ou l’autre. À l’évidence, tout ceci est très motivant.

Vous avez aussi rencontré des collégiens dans la région…

Il m’arrive d’intervenir dans les écoles pour mes romans et albums jeunesse. Lorsque je publiais chez "Sedrap Éditions", j’étais invité eu peu partout en France, et même à l’étranger. J’ai un souvenir particulier d’un travail avec les élèves du primaire du lycée Français de Djakarta en Indonésie, car à mon retour, j’ai publié un roman sur ce voyage chez l’éditeur parisien "Michalon".

Dans la région de Blois, les écoles du département avaient choisi l’un de mes romans "La Sentinelle des collines" pour en écrire la suite qui a été publiée par l’Éducation nationale. J’ai donc visité beaucoup d’établissements et rencontré à cette occasion de nombreux élèves. Les deux livres collectifs qu’ils ont édités sont toujours dans ma bibliothèque.

Dernièrement, je suis intervenu dans des écoles proches de Saint-Bertrand de Comminges à propos de mon roman policier jeunesse "La Nuit de la Cathédrale" qui vient d’être réédité dans une nouvelle version. Les professeurs des écoles savent motiver leurs élèves à l’écriture par la rencontre de l’écrivain réel.

Ma question qui revient à chaque entretien
😉 (mais je n'aime pas faire de copié-collé) : pouvez-vous vous présenter à mes lectrices et lecteurs ?

Je suis Pyrénéen et citoyen du monde, issu d’une très ancienne famille du Luchonnais (mon ancêtre le plus ancien sur l’arbre généalogique était né en 1675).

Après le bac, mes études ont été diversifiées. Principalement, je suis diplômé de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne et des Beaux-Arts. Je suis professeur agrégé d’arts plastiques, maintenant à la retraite. J’ai participé à la formation des professeurs du secondaire.

Chercheur indépendant dans le domaine de la didactique des arts plastiques, j’ai publié de nombreux ouvrages sur l’art, sur des artistes, sur l’histoire de l’art. Des conférences en France et à l’étranger ont souvent accompagné la diffusion de ces travaux.

J’ai également écrit des romans jeunesse. Le deuxième a reçu un prix littéraire national. Puis vinrent les albums jeunesse.

Ne voulant pas m’enfermer, j’ai publié des romans de littérature générale chez plusieurs éditeurs nationaux, puis des policiers historiques, puis des polars contemporains. Au total, plus de 60 ouvrages différents.

J’ai aussi une pratique artistique de sculpture, de dessin, de peinture, de photographie et de vidéo qui ont été projetées en salles et dans des expositions.

Je suis le père comblé d’un garçon et d’une fille, et le grand-père de trois adorables garçons pour lesquels je continue la tradition familiale de conteur. J’ai été bercé dans mon enfance heureuse par les récits de mes grands-parents. J’ai poursuivi cette tradition avec mes propres enfants qui eux-mêmes continuent avec les leurs. La chaîne se prolonge ainsi, d'autant qu'ils m'ont demandé de raconter ma vie dans un livre familial. N'étant ni Tintin, ni un héros, juste un créatif fonceur, je me contente de faire luire leur regard par des histoires a cappella d'ours, de loups, de belettes et de légendes des Pyrénées.

 

Christian Louis en conférence au Casino de Barbazan, devant une salle comble (Photo © Jean-Paul Chambrillon)

Christian Louis en conférence au Casino de Barbazan, devant une salle comble (Photo © Jean-Paul Chambrillon)

"Nuages sur les Cimes" TDO Editions / 566 pages / 20€

"Nuages sur les Cimes" TDO Editions / 566 pages / 20€

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La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité (Albert Camus)