Municipales 2023 : pour John Palacin, "toutes les conditions sont réunies pour qu’une équipe rassemblée et dynamique travaille efficacement à la renaissance" de Luchon
Quelle est votre réaction à la saisine par le préfet de la Haute-Garonne de la Chambre régionale des comptes suite au vote du budget 2023 de la ville de Luchon qui, je le rappelle, a été adoptée par 8 voix pour, 8 abstentions et 3 contre ?
John Palacin : La saisine de la chambre régionale des comptes par le Préfet est inquiétante pour la ville. Elle repose sur l’article L1612-4 dispose que "le budget de la collectivité territoriale est en équilibre réel lorsque la section de fonctionnement et la section d'investissement sont respectivement votées en équilibre, les recettes et les dépenses ayant été évaluées de façon sincère..." La saisine signifie que l’Etat a des doutes très sérieux sur l’équilibre du budget et donc de la sincérité de l’évaluation des recettes comme l’avait estimé une majorité du conseil municipal. Voilà la raison de la démission d’Eric Azémar : il n’a pas assumé les conséquences financières inéluctables de sa gestion.
Il y a un an, un document de prospective financière a été distribué au conseil municipal : il montrait une dégradation importante de l’épargne brute de la commune, c’est-à-dire le montant qui reste après le paiement des charges de fonctionnement pour rembourser les dettes et financer des investissements, était très faible, voire négatif certaines années. Cela résulte du paiement sur 5 ans des 3 millions d’euros de déficit des Thermes lié au COVID, soit 600 000 € de charges supplémentaires par an : j’avais conseillé à Eric Azémar de mieux négocier une telle situation avec l’Etat mais il n’y est pas parvenu. La situation imposait d’être très rigoureux avec les dépenses car la ville était à l’euro près.
Au même moment, sans vote du conseil municipal étaient lancées les dépenses pour accueillir le prince de Monaco, et ensuite d’organiser le concert "Le fantôme de l’Opéra" pour 80 000 €, et d’autres dépenses importantes qui n’étaient pas indispensables dans la période de difficultés financières que traversait la ville. De telles dépenses, en plus, faites au détriment de nos traditions comme la Fête des Fleurs ou l’accueil du Tour de France.
La situation financière actuelle est une impasse et les Luchonnais vont vraisemblablement payer les pots cassés : le plus souvent, à la suite d’une saisine de la chambre des comptes, il est "proposé" ou in fine imposé par le Préfet, une hausse de la fiscalité locale d’au moins 10 %. Mais nous devrons attendre de lire les recommandations de la chambre que le prochain conseil municipal devra mettre en œuvre mais je pense que nous sommes condamnés soit à un sauvetage exceptionnel par l’Etat qui a déjà beaucoup fait, soit à une augmentation d’impôt dans un contexte fiscal déjà très lourd. En tous cas, je trouve incorrect que l’ancien maire laisse la ville dans une situation d’une telle gravité et reparte faire campagne en se faisant photographier sur les Allées.
Lors du dernier conseil municipal, présidé par le maire par intérim Gilles Toniolo, vous êtes revenu sur le coût de la visite à Luchon, du Prince Albert II de Monaco, l'an dernier. Le montant avancé de 250 000 euros a été contesté par l'ancien maire Eric Azémar, sur mon blog. Alors 250 000 euros ou 80 000 euros ?
John Palacin : Je préférerais penser à l’avenir mais si le maire démissionnaire Eric Azémar veut revenir sur le sujet, revenons-y : j’ai évoqué en conseil municipal 250 000 € environ car c’était le coût prévisionnel qui avait été établi lors du précédent mandat et qui avait conduit à écarter le projet tant la dépense était disproportionnée.
Or le maire démissionnaire indique que cette fois-ci, le coût "estimatif" de la visite du Prince de Monaco à Luchon aurait été de 80 000 € (je comprends mieux la situation budgétaire catastrophique si le maire n’est pas en capacité de donner une estimation sincère et précise du budget d’une telle manifestation !).
Que savons-nous exactement ?
Il n’y a pas eu de délibération du conseil municipal présentant un budget complet de l’événement et demandant un vote du conseil municipal. En avril 2022, avant la visite du prince, le conseil municipal a pris acte dans le régime des délégations, c’est-à-dire des décisions que le maire a pris seul et que le conseil municipal ne vote pas, de la signature par le maire seul d’une prestation de scénographie pour 48 000 € (qui n’épuise pas le coût de l’exposition).
Plus tard, après la visite du prince, une décision modificative du budget, c’est-à-dire au titre des imprévus ou des dépassements, le conseil municipal a constaté sur les questions de Michèle Cau notamment, une augmentation des frais et dépenses liée à la visite : l’éclairage et les prestations audio (entre 20 et 30 000€), des frais supplémentaires d’impressions de catalogues, de dépliants et de signalétique pour 21 000 €, le coût de transport des œuvres qui s’élève environ à 15 000 €.
Le coût est déjà passé à 110 000 €.
Par ailleurs, au conseil régional, nous avions reçu une demande de subvention très sommaire et sous-évaluée qui faisait mention de 25 000 € de dépenses de "personnel" (s’il s’agissait de la valorisation du travail des agents municipaux, il s’agissait alors d’une fourchette basse) : une demande de subvention avait été déposée pour un montant astronomique de 25 000 € et le conseil régional n’a bien sûr par soutenu une demande aussi disproportionnée.
{Je tiens à rappeler que les nombreuses subventions aux associations de Luchon dont je défends la demande au Conseil régional pour le Luchon Aneto Trail, les Rencontres Lyriques, Luchon d’Antan, le Festival Pyrénées Breizh, Luchon Motors Days... vont de 500 à quelques milliers d’euros et rassemblent souvent, grâce à l’organisation associative et bénévole, des centaines ou des milliers de personnes pour les plus grandes manifestations.}
Donc, en ajoutant un minimum de 25 000 de personnel, nous en sommes désormais à 135 000 € de coût total. En plus, Eric Azémar nous révèle dans le communiqué que vous avez publié sur votre blog, le coût d’un dîner, d’un pique-nique et de l’accueil des journalistes : 8000 €.
Nous passons à 143 000 €.
Quid de la sécurité ? Du gardiennage d’œuvre d’art de grande valeur ? Quid des "faux frais" inhérents à une telle manifestation ? Quel aura été le coût total de la visite du prince ? Le maire sortant n’a jamais assumé un chiffre devant le conseil municipal et n’a jamais soumis le sujet à la délibération ou présenté de budget présenté clairement : il n’est pas possible de savoir ce qui avait été prévu au budget initial car le coût de la visite est disséminé sur de nombreuses lignes générales dans le budget et que l’importance des dépenses effectuées n’a été relevé que lors des questions en séance.
Pour ma part, je retiens l’estimation crédible qui avait conduit la précédente municipalité à écarter l’organisation d’une telle visite, soit entre 230 et 250 000 €. Je rappelle également qu’au même moment, tous les partenaires de la ville rencontrait des difficultés pour que celle-ci boucle sa contribution au projet des Thermes, soit les 1,4 M€ qui permettent un investissement sans précédent de 35 millions d’euros.
Vous qui avez défendu l’idée d’une opposition constructive pendant 3 ans, pourquoi réagissez-vous aujourd’hui ?
John Palacin : La victoire d’Eric Azémar a été très nette en 2020 et, compte tenu des chantiers exceptionnels, de l’alignement des planètes en faveur de Luchon, avec Gérard Subercaze, nous souhaitions œuvrer dans l’intérêt général de la ville et apporter notre concours. Dans l’intérêt de la ville, nous ne nous sommes pas opposé frontalement et nous avions proposé d’aider.
Pourtant, Eric Azémar a fermé la porte et, sans concertation, a engagé des dépenses excessives qui sont venues aggraver encore la situation : aujourd’hui, sa démission ressemble à un aveu d'échec.
Si l’on considère, au-delà des dépenses excessives, que plusieurs chantiers importants ont été engagés sans demande de subvention (alors que les municipalités bien gérées parviennent parfois à faire financer les projets à 80% !), que les partenaires de la ville, l’Etat, le Conseil Régional et le Conseil Départemental, ont mis à la disposition de la ville des dispositifs spécifiques ("Petites villes de demain", le plan "avenir montagne", "Bourg centre", "Grand site Occitanie", le schéma de développement urbain, etc...), que je vois utilisés très efficacement un peu partout en Occitanie et dans les Pyrénées, mais que la commune de Bagnères-de-Luchon n’a pas utilisés alors même que l’épargne brute était si faible et qu’il était indispensable d’obtenir des subvention !
Dans ces conditions, je ne vois pas comment qualifier la gestion d’Eric Azémar autrement que de "très mauvaise".
Comment envisager l’avenir alors ?
John Palacin : Au-delà de ces péripéties regrettables et de difficultés budgétaires, Luchon est à un tournant : il faut penser à l’avenir de la ville et travailler plus efficacement que ces dernières années.
J’espère que la qualité et le dynamisme de l’équipe qui sera élue à la fin du mois de juin permettront de recentrer la municipalité sur des efforts utiles aux Luchonnais et à quelques investissements qui accompagneront le formidable élan qui transforme actuellement la ville : le Conseil régional rénove les Thermes et rouvre la ligne de train. Le Conseil départemental rénove et modernise la télécabine et la station de Superbagnères. La Communauté de communes investit considérablement, entre autres, dans la future Maison de Santé. La municipalité doit œuvrer elle-aussi : avec la communauté de communes, elle doit renforcer les services à la population et lancer un projet de piscine ; avec l’Etat, elle doit amorcer des opérations de rénovations de logements et la valorisation de certains quartiers ; enfin, avec le Conseil régional d’Occitanie, elle pourra créer les conditions d’un rebond économique grâce à des transports et un outil thermal rénovés.
Ne perdons pas espoir. Les planètes sont alignées. Les grands chantiers sont en cours et, malgré les difficultés actuelles, toutes les conditions sont réunies pour qu’une équipe rassemblée et dynamique travaille efficacement à la renaissance de notre ville.