Mes lectures. "Le Goût du Crime" de Mathias et Emmanuel Roux : pourquoi sommes-nous fascinés par les affaires criminelles ?
Les affaires criminelles ont toujours exercé une fascination énigmatique sur l'humanité. Le mystère du crime, la quête de vérité, la bascule du passage à l'acte et la personnalité du suspect suscitent des interrogations profondes. C'est dans cette sphère d'énigmes et de réflexions que les frères philosophes Emmanuel et Mathias Roux se sont aventurés avec leur essai récent, "Le Goût du Crime," publié par la maison d'édition Actes Sud (2023).
Au cœur de leur réflexion se trouve l'exploration des motifs cachés qui alimentent la passion commune de l'humanité pour les affaires criminelles. Dans cet ouvrage, les frères Roux nous offrent une lecture subtile et argumentée de quelques-unes des "grandes" affaires criminelles qui ont marqué l'histoire. Ils nous invitent à considérer le mystère du passage à l'acte sous un nouvel angle, en utilisant la philosophie comme un outil de compréhension.
Comme en témoigne la prolifération actuelle de romans et de séries télévisées qui s'inspirent d'affaires criminelles, il est indéniable que ces récits fascinent les foules et répondent à des pulsions secrètes pour le morbide. Pourtant, pour les frères Roux, cette fascination va au-delà du voyeurisme. Elle relève davantage d'une préoccupation réflexive profonde.
Pour eux, une scène de crime représente un véritable objet de réflexion, avec la philosophie au cœur de cette démarche. Ils se questionnent : "Face au crime, ne sommes-nous pas contraints à satisfaire une demande de sens, comme si la commission de l'acte criminel, par nature extraordinaire, exacerbait notre besoin courant de comprendre ?"
Chaque grande affaire criminelle offre une opportunité de "faire l'épreuve philosophique du vrai à travers la mise à l'épreuve de l'idée de vérité". Les frères Roux se penchent sur des cas célèbres tels que Xavier Dupont de Ligonnès, Guy Georges, Grégory Villemin, Omar Raddad, Michel Fourniret et Patrick Dils, soulignant que ces affaires soulèvent des problèmes éthiques complexes.
Aucune affaire n'est réductible à un seul acte criminel, elles renvoient toutes à des questions plus vastes : la quête de vérité, l'intrusion dans la sphère intime, la décision de passer à l'acte, la personnalité du suspect, entre autres. Ces mystères sont éclairés par des concepts philosophiques issus de penseurs tels que Vladimir Jankélévitch, Emmanuel Kant et René Girard.
En fin de compte, bien que "l'élucidation de l'affaire ne sorte pas le crime de l'ombre," comme le soutenait le psychanalyste J.-B. Pontalis, le goût du crime nous pousse à "révéler des enjeux intellectuels implicites" derrière les scènes de crime sanglantes et à "indiquer la direction d'un sens présent au-delà de leur horizon factuel."
Le crime, avec toutes ses apories, soulève des questions morales et philosophiques fondamentales, notamment sur le mal, la liberté et la possibilité de juger. Et pourtant, malgré toutes ces interrogations, le goût du crime persiste, car il est le reflet du goût de la vie elle-même.
Cet essai révèle ainsi que notre fascination pour le mystère du crime est intrinsèquement liée à notre appréciation de la vie elle-même.