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11 Sep

11 septembre 1973 : il y a 50 ans, le jour où l'espoir s'est effondré au Chili

Publié par Paul Tian  - Catégories :  #septembre rouge, #chili, #11 septembre 1973, #il y a 50 ans, #coup d'état, #salvador allende, #général pinochet, #dictature, #fascisme, #états-unis, #CIA, #vidéo, #souvenirs, #pablo neruda

(Photo : capture écran INA)

(Photo : capture écran INA)

ll y a cinquante ans, alors que je venais de terminer mes études, et que j'allais sur mes 23 ans, le monde a été témoin d'un événement tragique qui allait laisser une empreinte indélébile sur l'Histoire.

 

Le 11 septembre 1973, une date qui résonne encore aujourd'hui dans ma mémoire, une junte militaire prenait le pouvoir au Chili, renversant un gouvernement démocratiquement élu et plongeant le pays dans l'obscurité de la dictature.

 

Ce jour-là, l'armée chilienne, sous la direction du général d'extrême-droite Augusto Pinochet et avec le soutien (en sous-main ?) des États-Unis, lançait un coup d'État sanglant. Le palais présidentiel était pris d'assaut, et le président Salvador Allende, un homme qui incarnait l'espoir d'un avenir meilleur pour les peuples d'Amérique latine, se donnait la mort pour ne pas tomber entre les mains de ses ennemis. C'était un acte de désespoir face à la cruauté d'un coup d'État qui allait plonger le Chili dans une sombre période de dictature qui perdurera pendant 17 longues années.

 

Cette dictature militaire allait se révéler particulièrement brutale, faisant plus de 3 000 morts, plus de 30 000 disparus, des milliers d'êtres humains torturés, des vies brisées, des familles déchirées, et un pays tout entier plongé dans la terreur. Le Chili, qui avait été un exemple de démocratie en Amérique latine, se retrouvait sous le joug d'un régime autoritaire. D'un régime fasciste !

 

Je me souviens de ce jour comme si cela s'était déroulé hier. L'arrivée au pouvoir du socialiste Salvador Allende avait été un moment d'espoir, un souffle d'air frais dans un continent où les coups d'État militaires étaient monnaie courante. Sa victoire électorale avait été un symbole de la possibilité d'un changement pacifique, d'une voie démocratique vers un avenir plus équitable.

 

Le 11 septembre 1973, c'est à la radio que j'ai appris cette terrible nouvelle. Les mots annonçant le coup d'État résonnaient dans l'air, et mon cœur s'est effondré. Je pleurais à chaudes larmes, impuissant face à la tragédie qui se déroulait à des milliers de kilomètres de chez moi. Le monde s'écoulait devant moi, et je me sentais submergé par un profond sentiment d'injustice.

 

Une fois de plus, les forces fascistes avaient relevé la tête. Une fois de plus, la démocratie était bafouée. Une fois de plus, l'espoir d'un monde meilleur s'assombrissait. Mais malgré la tristesse et la colère qui m'envahissaient, je savais que la lutte pour la justice et la liberté ne s'éteindrait pas.

 

Ce jour-là, le Chili a été plongé dans l'obscurité, mais la lumière de l'espoir continuait de briller dans nos cœurs. Nous savions que, tôt ou tard, la démocratie et la justice prévaudraient. Et nous avons continué à nous battre, à protester, à résister, jusqu'à ce que ce jour tant attendu arrive enfin, lorsque la dictature de Pinochet prendrait fin, et que le Chili pourrait enfin retrouver la voie de la liberté et de la démocratie.

 

Paul Tian

C'est le dernier discours de Salvador Allende transmis par Radio Magallanes, le 11 septembre 1973 :

"Je paierai de ma vie la défense des principes qui sont chers à cette patrie. La honte tombera sur ceux qui ont trahi leurs convictions, manqué à leur propre parole et se sont tournés vers la doctrine des forces armées. Le peuple doit être vigilant, il ne doit pas se laisser provoquer, ni massacrer mais il doit défendre ses acquis. Il doit défendre le droit de construire avec son propre travail une vie digne et meilleure. A propos de ceux qui ont soi-disant «autoproclamé» la démocratie, ils ont incité la révolte, et ont d'une façon insensée et louche mener le Chili dans le gouffre. Au nom des plus gros intérêts du peuple, au nom de la patrie, je vous appelle pour vous dire de garder l'espoir. L'Histoire ne s'arrête pas ni avec la répression, ni avec le crime. C'est une étape à franchir, un moment difficile. Il est possible qu'ils nous écrasent mais l'avenir appartiendra au peuple, aux travailleurs. L'humanité avance vers la conquête d'une vie meilleure.

 

Compatriotes, il nous est possible de faire taire les radios, et je prendrai congés de vous. En ce moment sont en train de passer les avions, ils pourraient nous bombarder. Mais sachez que nous somme là pour montrer que dans ce pays, il y a des hommes qui remplissent leurs fonctions jusqu'au bout. Moi je le ferai mandaté par le peuple et en tant que président conscient de la dignité de ce dont je suis chargé.

 

 

C'est certainement la dernière opportunité que j'ai de vous parler. Les forces armées aériennes ont bombardé les antennes de radio. Mes paroles ne sont pas amères mais déçues. Elles sont la punition morale pour ceux qui ont trahi le serment qu'ils firent. Soldat du Chili, Commandant en chef, associé de l'Amiral Merino, et du général Mendosa, qui hier avait manifesté sa solidarité et sa loyauté au gouvernement, et aujourd'hui s'est nommé Commandant Général des armées. Face à ces évènements, je peux dire aux travailleurs que je ne renoncerai pas. Dans cette étape historique, je paierai par ma vie ma loyauté au peuple. Je vous dis que j'ai la certitude que la graine que l'on à confié au peuple chilien ne pourra pas être détruit définitivement. Ils ont la force, ils pourront nous asservir mais n'éviteront pas les procès sociaux, ni avec le crime, ni avec la force.

 

L'Histoire est à nous, c'est le peuple qui la fait. Travailleurs de ma patrie, je veux vous remercier pour la loyauté dont vous avez toujours fait preuve, de la confiance que vous avez reposé sur un homme qui a été le seul interprète du grand désir de justice, qui jure avoir pu respecté la constitution et la loi. En ce moment crucial, la dernière chose que je voudrais vous adresser est que j'espère que la leçon sera retenue.

 

Le capital étranger, l'impérialisme, ont créé le climat qui a cassé les traditions: celles que montrent Scheider et qu'aurait réaffirmé le commandant Araya. C'est de chez lui, avec l'aide étrangère, que celui-ci espérera reconquérir le pouvoir afin de continuer à défendre ses propriétés et ses privilèges. Je voudrais m'adresser à la femme simple de notre terre, à la paysanne qui a cru en nous; à l'ouvrière qui a travaillé dur et à la mère qui a toujours bien soigné ses enfants. Je m'adresse aux personnels de l'Etat, à ceux qui depuis des jours travaillent contre le coup d'état, contre ceux qui ne défendent que les avantages d'une société capitaliste. Je m'adresse à la jeunesse, à ceux qui ont chanté et ont transmis leur gaieté et leur esprit de lutte. Je m'adresse aux chiliens, ouvriers, paysans, intellectuels, à tous ceux qui seront persécutés parce que dans notre pays le fascisme est présent déjà depuis un moment. Les attentats terroristes faisant sauter des ponts, coupant les voies ferrées, détruisant les oléoducs et gazoducs; face au silence de ceux qui avaient l'obligation d'intervenir, l'Histoire les jugera.

 

lIs vont sûrement faire taire radio Magallanes et vous ne pourrez plus entendre le son métallique de ma voix tranquille. Peu importe, vous continuerez à m'écouter, je serai toujours près de vous, vous aurez au moins le souvenir d'un homme digne qui fut loyal avec la patrie. Le peuple doit se défendre et non pas se sacrifier, il ne doit pas se laisser exterminer et se laisser humilier. Travailleurs: j'ai confiance au Chili et à son destin. D'autres hommes espèrent plutôt le moment gris et amer où la trahison s'imposerait. Allez de l'avant sachant que bientôt s'ouvriront de grandes avenues où passera l'homme libre pour construire une société meilleure.

 

Vive le Chili, vive le peuple, vive les travailleurs ! Ce sont mes dernières paroles, j'ai la certitude que le sacrifice ne sera pas vain et qu'au moins ce sera une punition morale pour la lâcheté et la trahison."

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"Aucune carte du monde n'est digne d'un regard si le pays de l'utopie n'y figure pas" (Oscar Wilde)